Interview de Guillaume Dambrine : Responsable Distribution ETF pour la France & le Benelux chez Franklin Templeton

Guillaume Dambrine

Responsable Distribution ETF pour la France & le Benelux chez Franklin Templeton

La croissance des ETF à gestion active est exponentielle et témoigne d'un véritable engouement de la part des investisseurs

Publié le 24 Octobre 2024

Plusieurs récentes études révèlent une utilisation de plus en plus prononcée des ETF par les investisseurs individuels. Quel regard portez-vous sur cet appétit grandissant ?
Selon l’AMF, environ 70 000 clients français particuliers investissaient dans les ETF chaque trimestre il y a encore cinq ou six ans. Aujourd'hui on estime qu’ils sont entre 250 000 et 300 000 à le faire, soit une multiplication par trois ou quatre.

 Pour la première fois, le nombre de nouveaux investisseurs en ETF est égal à celui de nouveaux investisseurs en actions 

En glissement annuel, au deuxième trimestre 2024, et sur un rythme annualisé, l’évolution constatée est de +90%. D’ailleurs, pour la première fois, le nombre de nouveaux investisseurs en ETF est égal à celui de nouveaux investisseurs en actions.

Ces chiffres illustrent bien le mouvement de fond qui se dessine indéniablement dans l’Hexagone, et que nous avions déjà pu observer chez certains de nos cousins européens ces dernières années.

Quel a été le déclencheur selon vous ?
Pendant la crise sanitaire de 2020, le confinement imposé a poussé de nombreux investisseurs particuliers à s’intéresser aux marchés financiers et à investir en bourse. Cette période a ainsi été propice à une certaine éducation concernant de multiples produits d’épargne, dont les ETF.
Aujourd’hui, et même s’il y a toujours besoin de pédagogie, il y a une connaissance plus accrue de ce que sont ces véhicules d’investissement et de l’intérêt qu’il y a de pouvoir les traiter, comme des actions, sur les grandes places boursières, tout au long de la journée, avec une exécution immédiate et à un prix totalement transparent.

L’agilité de traitement et la très grande diversité d'idées d'investissement exploitables ont renforcé l'attrait des ETF

L’agilité de traitement et la très grande diversité d'idées d'investissement exploitables – autrement dit le fait de pouvoir s’exposer à des régions en forte expansion et à des secteurs très porteurs dans différentes classes d’actifs (actions, obligations, monétaire, matières premières…) avec ou sans effet de levier – ont renforcé cet attrait.
Mais nous ne sommes qu’aux prémices d’un mouvement structurel qui a vocation à encore s’amplifier. Je pense foncièrement que l'utilisation d'ETF par les investisseurs particuliers français va encore se développer, ce d’autant plus que l’on observe de plus en plus de plateformes, de contrats d’assurance vie et de PER qui les proposent et qui les mettent en avant en dépit d’obstacles techniques qui demeurent.
L’offre foisonnante finira pas rencontrer la demande abondante.

Quel regard portez-vous sur l'évolution de l’industrie des ETF ? Ces derniers ont évolué de purs produits de réplication indicielle à des produits smart beta puis à des produits à gestion active …
Il est assez logique que l'offre s'enrichisse de plus en plus. Il est vrai que pendant longtemps, les ETF étaient associés à des indices assez classiques, pondérés par les capitalisations.
Aujourd'hui, de plus en plus d'innovations arrivent sur le marché, avec le smart beta d’une part, qui se situe à la frontière entre l'actif et le passif, et avec les ETF actifs d’autre part, qui allient les deux mondes : celui des ETF et leurs avantages de transparence, de négociation en continu notamment, et celui de la gestion active.

Quels commentaires vous inspire la multiplication de ces ETF à gestion active ?
A fin septembre 2024, les ETF à gestion active représentaient 42 milliards d’euros d’encours en Europe, soit 2% des encours totaux des ETF. En termes de flux en revanche, ils concentrent autour de 8% des nouveaux investissements. La croissance est en cela exponentielle et témoigne d’un véritable engouement de la part des investisseurs. L’essor de ces ETF actifs est donc un des facteurs de développement du segment ETF, notamment aux Etats-Unis où le contexte est différent.

Pourquoi se tourner vers des ETF à gestion active ?
Du coté des émetteurs, une première motivation est, pour les acteurs d’envergure comme Franklin Templeton qui ont une importante capacité de recherche et d’analyse, d’utiliser les compétences internes pour assurer un certain alignement de l’expertise forgée avec l’offre mise à disposition.

 Les ETF à gestion active permettent un alignement de l'expertise avec l'offre et une certaine réactivité 

Dans la gestion passive, l’émetteur de produits se rapproche de fournisseurs d’indices et se contente de répliquer l'indice en assumant la méthodologie et la logique du fournisseur. A l’inverse, le fait de proposer un ETF actif permet à l’émetteur de se réapproprier ces éléments.
Un autre avantage réside dans la réactivité que permet la gestion active : nous pouvons tout de suite intervenir sans attendre que l’indice sous-jacent réagisse. Le rebalancement du portefeuille peut alors se faire très rapidement.

Adaptabilité et flexibilité pour les émetteurs… Comment expliquer l’appétit des investisseurs particuliers pour ces ETF actifs ?
On rem arque une recrudescence de l’intérêt des clients pour la gestion active et l’ETF peut être un outil utile pour implémenter cette gestion dans le portefeuille de par ses nombreux atouts. Les ETFs actifs apportent de nouveaux choix d’investissement supplémentaires permettant aux investisseurs d’être plus précis dans leur allocation.

 Flexibilité, transparence, fiscalité avantageuse,  moindres frais, liquidité sont autant d'atouts des ETF à gestion active  

 
De ce fait, le client final utilisant les ETFs actifs bénéficiera des nombreux atouts de l’enveloppe ETF pour implémenter une gestion active : flexibilité, transparence, fiscalité avantageuse (avec l’éligibilité au PEA), de moindres frais, le tout avec de la liquidité (vitesse d’exécution à l’intérieur d’un carnet d’ordres).

A quelle tendance s’attendre en matière d’ETF actifs ?
Nous sommes sur une première génération d’ETF actifs, certains présentant une faible tracking error parce que les acheteurs d’ETF actifs sont avant tout des acheteurs d’ETF classiques. Ils sont habitués à la comparaison avec des benchmarks issus de la gestion passive. Nous trouvons aussi des ETF actifs avec plus de tracking error donc avec un potentiel de surperformance plus important pour lesquels l’utilisateur final doit passer du temps pour comprendre la stratégie du gérant.

Nous devrions rapidement voir une nouvelle phase s’ouvrir, avec de nouveaux entrants et des portefeuilles plus restreints

 
Mais nous en sommes au tout début du développement des ETF actifs donc nous devrions rapidement voir une nouvelle phase s’ouvrir, avec de nouveaux entrants et des portefeuilles plus restreints, reflétant des convictions plus fortes avec, possiblement, un plus grand potentiel de surperformance mais avec une tracking error plus élevée.

Pensez-vous que les ETF actifs pourraient avoir la même importance en Europe qu’aux Etats-Unis ?
Il y a aux Etats-Unis un avantage fiscal pour les ETFs qui n’existe pas en Europe. En conséquence, de nombreux gérants classiques convertissent des fonds mutuels classiques en ETF à gestion active afin que les utilisateurs puissent bénéficier de cet avantage fiscal.
L’absence d’une telle incitation à la conversion en Europe conduit à penser que l’expansion des ETF actifs ne sera pas d’une ampleur aussi forte, au moins dans l’immédiat.

Un autre écueil que vous entrevoyez est lié à la rémunération des conseillers aujourd'hui. Les ETF ne versent pas de rétrocession. Un CGP qui va conseiller un ETF a une véritable problématique de rémunération.
Nous voyons désormais des cabinets qui tentent le modèle de rémunération au forfait et non pas par rétrocessions. Cela va dans le bon sens. Mais il est vrai qu’aujourd'hui il existe encore beaucoup de cabinets qui fonctionnent selon cette mécanique et que ces derniers sont peu incités à proposer des ETF. Cela pourrait évoluer avec la demande croissante des clients de recourir à ces instruments.

Votre institution est présente dans les quatre catégories d’ETF énoncées ?
Absolument, Franklin Templeton propose des ETF sur tous les segments.
Historiquement nous avons commencé par proposer des ETF indiciels traditionnels, pondérés par la capitalisation boursière.

Puis nous avons développé notre gamme avec des ETF smart beta. Nous utilisons notamment des stratégies smart beta multifactorielles.
C'est la philosophie d'investissement historique de Franklin Templeton mise dans un modèle de recherche propriétaire. Dans ce modèle, nous intégrons 50 % de facteur qualité, 30 % de facteur value, 10 % de facteur low vol et 10 % de facteur momentum. Nous proposons ainsi un ETF smart beta multifactoriel dans l’univers d’investissement du Russell 1000 qui permet d’éviter le phénomène de surconcentration sur les sept plus grosses valeurs de la cote. Cet ETF est une bonne manière de rester exposé au marché US, tout en limitant les biais.

Franklin Templeton propose des ETF sur tous les segments : ETF indiciels traditionnels, ETF smart beta, ETF à gestion active, ETF ESG 

Nous proposons aussi des ETF à gestion active, notamment dans la classe d’actifs obligataire, avec un ETF géré par la même équipe qui gère par ailleurs d'autres fonds obligataires chez Franklin Templeton. Ce sont ainsi les vues de notre équipe de gestion obligataire en Europe qui sont implémentées dans l’ETF. La gestion active a en effet le mérite de permettre de maîtriser l’allocation sectorielle et d’ajuster la duration de façon un peu tactique dans un contexte de volatilité exacerbée par les attentes sur les annonces des banques centrales.
Enfin, nous sommes présents sur le segment des ETF ESG avec des approches à fort impact. Ceux-ci ont été créés à la suite des accords de Paris pour tenter d’arriver au net zéro et donc limiter l'augmentation de la température à un degré et demi.

Il a été relevé, contrairement aux ETF actifs, un affaiblissement de l’attrait pour les ETF ESG. Qu’en pensez-vous ?
Il est vrai que la croissance de la collecte des ETF ESG est moins vigoureuse qu’elle n’a pu l’être en 2021 et 2022 mais les flux demeurent néanmoins positifs.
Cet essoufflement peut s’expliquer par un facteur technique non négligeable : de nombreux transferts de portefeuilles de la part des investisseurs institutionnels ont été opérés vers les ETF ESG, conformément aux exigences posées par la réglementation européenne.
Le switch a été d’une forte ampleur mais il est à présent plus ou moins terminé et il est par conséquent relativement logique que l’affaiblissement de ce vent porteur puisse entrainer une baisse de la dynamique dans cette sphère des ETF.

Quelles pistes de réflexion drivent actuellement l’étoffement de votre offre commerciale ?
Avant de lancer un quelconque nouveau produit, nous définissons une stratégie au niveau européen. Il faut que la solution en question convienne à un maximum de pays.
Nous essayons par ailleurs d’être un peu opportunistes, tout en essayant de garder une certaine cohérence au sein de notre offre. Nous nous efforçons de coller aux besoins de notre clientèle.
Actuellement, on note par exemple une demande pour des ETF ESG avec peu de tracking error par rapport à leurs indices historiques. De manière globale, nous étudions différentes solutions mêlant ESG et gestion active tout en nous appuyant sur nos expertises historiques

Quels sont les thèmes que vous entrevoyez en ce moment ?
Un premier thème concerne les pays émergents, et notamment l’Inde et la Chine.

Un premier thème concerne les pays émergents, et notamment l’Inde et la Chine.

 
L’Inde raconte une histoire structurelle de développement, de son économie et de ses marchés financiers, et beaucoup d’investisseurs, de tous types, souhaitent adopter un positionnement stratégique sur ce thème.
La valorisation du marché boursier indien peut paraitre élevée quand on la compare à d'autres marchés émergents, mais elle n'est pas à son plus haut et nous pensons que ce marché dispose d’un potentiel qui justifie ces fortes valorisations.

Dans la partie obligataire nous percevons de l’intérêt pour des solutions ultra-short.

Pour ce qui est de la Chine, les autorités de Pékin ont donné des signes indiquant une prise de conscience de l'importance « d’un quoi qu'il en coûte » pour soutenir la demande interne et la dynamique économique. Les marchés ont déjà réagi de façon très positive depuis les dernières annonces mais ce n’est probablement pas terminé. Une exposition tactique à la Chine parait dès lors bien fondée.

Enfin, dans la partie obligataire nous percevons en ce moment de l’intérêt pour des solutions ultra-short.

AVERTISSEMENT 

« Les informations et les opinions exprimées sont ceux du Responsable distribution ETF pour la France et le Benelux de Franklin Templeton et ne reflètent pas nécessairement l’opinion de EasyBourse ou de ses membres ».

« Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Easybourse ou Franklin Templeton ne sauraient être tenus responsables d'une décision d'investissement ou de désinvestissement sur la base de cet article. Le placement en bourse est soumis aux fluctuations et aux aléas des marchés financiers. Il comporte un risque de perte en capital.
Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances futures. »

Imen Hazgui