Interview de Nadège Dufossé  : Responsable de l'allocation d'actifs chez Candriam, membre du comité exécutif

Nadège Dufossé

Responsable de l'allocation d'actifs chez Candriam, membre du comité exécutif

Où investir demain ? Or, IA, santé et opportunités mondiales

Publié le 22 Septembre 2025

Depuis le début de l’année, qu’est-ce qui vous a le plus surpris sur les marchés ?
Comme beaucoup, nous avons été surpris par la résilience de certains marchés – les États-Unis, le Japon, ou encore la Chine – malgré une perception du risque politique très élevée. Nous avons connu toutes les phases : une forte correction début avril, suivie d’un rebond. Les marchés ont montré une capacité remarquable à encaisser les chocs.

Quelles classes d’actifs ont particulièrement bien performé ?
L’or a largement dépassé nos attentes, avec une progression rapide et marquée. Les marchés émergents ont aussi bien performé, ce qui n’était pas forcément anticipé. Du côté actions, le marché chinois a continué à progresser malgré un ralentissement de la croissance, porté par les espoirs d’assouplissement monétaire ou fiscal.

Le Japon a également surpris cet été. Comment l’expliquez-vous ?
Au Japon, certains facteurs structurels expliquent la bonne performance de ces dernières années. Mais cet été, c’est surtout l’espoir lié aux élections qui a dopé le marché, un phénomène assez récurrent dans l’histoire boursière japonaise.

La baisse du dollar a aussi marqué l’année. Était-ce une surprise ?
Oui et non. Beaucoup s’attendaient, après l’élection de Trump, à un dollar fort avec le slogan « make America great again ». Mais en réalité, l’affaiblissement du dollar faisait partie du plan économique américain au même titre que les droits de douane pour une compétitivité accrue. Le mouvement a été brutal et rapide au premier semestre plus que prévu, en interrelation avec l’augmentation de la prime de risque sur les actifs américains, et l’accroissement de la recherche de couvertures contre la devise américaine. Ceci a beaucoup déstabilisé les marchés.
Aujourd’hui, le dollar s’est stabilisé avec une reprise de la confiance dans la politique économique américaine au regard des négociations intervenues, mais nous restons prudents : la Fed devrait poursuivre un cycle d’assouplissement progressif à compter de ce mois ce qui devrait entretenir une poursuite de la tendance baissière du billet vert.

Quel est votre scénario central pour les prochains mois ?
Globalement, nous anticipons une croissance qui se maintient :

États-Unis : croissance poussive, voire une légère accélération l’an prochain.
Zone euro : croissance molle mais stable autour de 1 %.
Chine : autour de 5 % grâce au soutien des autorités.
Japon : croissance tout à fait correcte, un peu inférieure à 1%.
Avec des banques centrales en mode assouplissement monétaire, le contexte reste globalement favorable aux actions.

Certains évoquent un retour de la « value ». Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai, mais uniquement en Europe. Aux États-Unis, la value ne performe pas. En Europe, c’est lié à plusieurs facteurs : la remontée des banques, le rebond de certaines industrielles notamment en écho aux annonces des plans de relance en Allemagne et la baisse des taux qui a aidé des secteurs comme les utilities et le real estate.
Mais je suis d’avis qu’il faut raisonner en termes de croissance bénéficiaire plutôt qu’opposer « value » et « growth », surtout en Europe. Ce qui compte, c’est d’identifier les sociétés capables de générer des profits.

Quid des small & mid caps ?
Leur performance dépend de plusieurs éléments : la conjoncture européenne et l’évolution des devises. Le renforcement de l’euro les a favorisées par rapport aux grandes multinationales. Mais leur sensibilité à la conjoncture reste forte : elles ne performeront que si l’économie européenne s’améliore. Nous restons sélectifs, avec une préférence pour le marché domestique allemand.

Peut-on parler d’un nouveau cycle vertueux pour les actifs européens ?
Je ne parlerais pas d’un « nouveau cycle ». Certes, l’Allemagne et certains plans de relance sont des soutiens. Mais l’Europe reste fragmentée, avec des risques politiques, notamment en France. Les investisseurs internationaux cherchent surtout à diversifier, après des années trop concentrées sur les États-Unis et l’intelligence artificielle américaine. Donc oui, il y a un regain d’intérêt pour l’Europe, mais pas de cycle vertueux généralisé.

Quelles thématiques privilégiez-vous actuellement ?
L’intelligence artificielle, qui s’élargit à de nouveaux bénéficiaires.
La santé, qui a beaucoup souffert mais présente des valorisations attractives par rapport aux actions mondiales et bénéficie d’un cycle de fusions-acquisitions en particulier dans la partie biotech.
En Europe, nous aimons les secteurs liés aux investissements allemands : infrastructures et défense, plutôt des mid caps.
En Chine, nous nous positionnons surtout sur la partie tech.

Comment structureriez-vous un portefeuille diversifié aujourd’hui ?
Actions : diversification accrue (États-Unis y compris small et mid caps, Europe sélective, émergents de manière équilibrée).
Obligations : duration longue sur les obligations allemandes sur la partie courte de la courbe, ouverture possible aux obligations américaines plus tard, dette émergente attractive dès à présent.
Devises : couverture du dollar maintenue.
Or et stratégies alternatives (hedge funds) : présents en portefeuille pour amortir les chocs.

Quels sont selon vous les principaux risques à surveiller ?
Les risques sont avant tout politiques :
Les négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine.
Les pressions de Washington sur l’Europe.
L’indépendance de la Fed face à l’administration Trump.
Sur le plan économique, les fondamentaux tiennent. Mais la politique peut venir déstabiliser le cycle.

AVERTISSEMENT

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Imen Hazgui