Interview de Marina  Cohen  : Responsable de la gestion High Yield en Europe chez Amundi

Marina Cohen

Responsable de la gestion High Yield en Europe chez Amundi

Cap sur la performance : découvrez le potentiel des fonds obligataires à échéance

Publié le 12 Novembre 2025

Qu’est-ce qu’un fonds obligataire à échéance, et en quoi diffère-t-il d’un fonds obligataire classique sans date de fin ?
Un fonds obligataire à échéance est un véhicule d’investissement construit autour d’une date de remboursement clairement définie. Le gérant sélectionne uniquement des obligations dont la maturité ne dépasse pas cette date. Ainsi, à mesure que les obligations arrivent à échéance, elles sont remboursées par les émetteurs, ce qui permet au fonds de se dérisquer naturellement jusqu’à la date finale, moment où il ne détient plus de titres. À l’inverse, un fonds obligataire classique reste ouvert de manière permanente et investit sur les obligations de toutes maturités. Le gérant renouvelle constamment le portefeuille en participant à de nouvelles émissions, si bien que la maturité globale du fonds est continuellement étendue. Ce fonctionnement rend la visibilité sur la performance finale moins précise que dans un fonds à échéance, où l’investisseur peut connaître dès le départ une estimation réaliste du rendement potentiel sur la durée.

La gestion d’un fonds à échéance est-elle active ?
Oui, mais dans une mesure plus limitée que pour un fonds traditionnel. L’objectif n’est pas d’arbitrer en permanence ou de modifier profondément la composition du portefeuille. En cela le taux de rotation est relativement faible. En revanche, la gestion reste attentive et réactive : le gérant peut vendre un titre si la situation financière de l’émetteur se détériore, ou s’il existe une opportunité d’améliorer le rendement global sans accroître le risque. Cette approche, plus mesurée, permet de limiter la volatilité et d’offrir une trajectoire de portage relativement stable pour l’investisseur.

Pourquoi parle-t-on « d’échéance » ?
Parce que l’ensemble du fonctionnement du fonds repose sur une date cible à laquelle le portefeuille doit avoir complètement disparu. Toutes les obligations sélectionnées sont choisies pour leur alignement avec cette échéance. Cela donne au fonds un horizon clair et rend son fonctionnement plus lisible. On utilise également le terme « fonds à maturité », car sa structure reflète directement la durée de vie des titres qui le composent. L’expression « buy and watch » (« acheter et surveiller ») est aussi employée : le gérant conserve les titres jusqu’à leur remboursement, mais reste attentif à leur évolution pour intervenir en cas de besoin, ce qui le distingue d’une approche totalement passive.

Quelles obligations détenez-vous dans ces fonds ?
Ces fonds investissent principalement dans des obligations d’entreprises à haut rendement (ou « high yield »). Ces obligations sont émises par des sociétés dont la structure financière est plus endettée que celles de la catégorie de meilleure qualité appelée « catégorie d’investissement (ou « investment grade ») mais elles ofrrent des rendements plus attractifs.
Les raisons de cet endettement peuvent varier : certaines entreprises s’endettent pour financer une acquisition, d’autres pour optimiser leur structure de capital, et d’autres encore parce que leur activité a traversé une période plus incertaine. On trouve dans cette catégorie :
- des groupes de grande taille, régulièrement présents sur les marchés obligataires et souvent notés « BB+ » (par exemple Renault);
- des sociétés plus petites ou plus risquées, notamment issues d’opérations à effet de levier, dont les notations peuvent être « simple B » ou « triple C ».
Il est à noter qu’environ 70% du marché européen du haut rendement est constitué de titres notés « BB », représentant la partie supérieure de cette catégorie de risque.

Comment se compose le rendement d’un fonds à échéance ?
Le rendement provient de deux sources principales. La première est la composante liée aux taux d’intérêt, qui reflète le niveau général des taux sans risque. La seconde est la prime de crédit, qui représente la rémunération supplémentaire accordée à l’investisseur en compensation du risque de défaut associé à l’émetteur.
Lorsque l’on investit dans des émetteurs moins bien notés, la part du rendement liée au risque de crédit devient plus importante. À l’inverse, la part liée aux taux d’intérêt devient proportionnellement moins déterminante.
Le rendement total escompté pour nos portefeuilles de maturité 5 ans tourne autour de 4,7%, dont environ la moitié provient de la rémunération du risque de crédit. Cette répartition donne une bonne indication du positionnement du fonds et du niveau d’exposition au marché du haut rendement.

Pourquoi la valeur du fonds peut-elle fluctuer avant l’échéance ?
Même si le fonds vise une échéance fixe, sa valeur liquidative évolue chaque jour. Cela tient au fait que les obligations sont cotées en continu sur les marchés, et que leurs prix varient en fonction des taux d’intérêt, de la perception du risque de crédit, ou encore de la liquidité disponible. Cependant, pour l’investisseur, ce mouvement quotidien n’est pas l’élément le plus important. Ce qui compte est avant tout le point d’entrée, car il conditionne le rendement potentiel annualisé jusqu’à la maturité. Tant que les entreprises respectent leurs engagements et que le portefeuille est bien géré, les fluctuations intermédiaires n’altèrent pas la capacité du fonds à atteindre son objectif. Les deux risques à surveiller sont le défaut éventuel d’un émetteur et les remboursements anticipés, qui peuvent nécessiter de replacer des liquidités à des conditions éventuellement différentes.

Peut-on souscrire à tout moment ?
Cela dépend de la structure du fonds. Certains de nos fonds sont ouverts en permanence, ce qui permet aux investisseurs d’entrer jusqu’à un an avant la date d’échéance. D’autres sont proposés dans le cadre d’une fenêtre de commercialisation limitée. Une fois cette période close, le fonds ne collecte plus de nouveaux capitaux. Cette distinction dépend souvent du cadre juridique et de la stratégie commerciale associée. Nous gérons les deux types de fonds.

Quels sont les principaux risques ?
Comme précédemment évoqué, les principaux risques d’un fonds haut rendement incluent le risque de crédit, c’est-à-dire la possibilité qu’un émetteur voie sa situation se dégrader ou fasse défaut ; le risque de taux, qui reflète l’évolution des taux d’intérêt ; et le risque de liquidité, qui peut rendre la valorisation plus sensible dans certaines phases de marché. Pour un fonds à échéance, le risque de défaut est le risque principal
A cela s’ajoute celui du réinvestissement : lorsque des obligations sont remboursées avant l’échéance, il faut replacer les liquidités à des conditions qui permettent de préserver le rendement initial ciblé. Ce travail nécessite une gestion attentive et continue et une expertise crédit spécifique.

Que se passe-t-il si un émetteur fait défaut pendant la vie du fonds ?
Idéalement, le gérant anticipe toute difficulté significative en amont grâce à une sélection pointue lors du lancement du fonds. Lorsque les signaux se détériorent, la meilleure option consiste souvent à vendre le titre assez tôt avant qu’il n’entre dans un scénario de défaut. Cela permet de limiter la perte et de protéger le rendement global.
Dans de rares cas où la dégradation est trop rapide, le fonds peut choisir de participer à une restructuration. Cette solution peut parfois s’avérer plus positive, car le taux de recouvrement obtenu dans le cadre d’un accord négocié peut dépasser ce que le marché propose lorsque les prix sont au plus bas. L’objectif reste toujours de minimiser l’impact pour l’investisseur. Historiquement, cela ne nous est pas arrivé.

Quelle est la taille de l’univers d’investissement et combien de lignes détient un fonds à échéance ?
Le marché européen du haut rendement représente environ 420 milliards d’euros. Toutefois, tous les titres ne sont pas adaptés à une gestion à échéance, car certains présentent une taille insuffisante, une gouvernance fragile ou appartiennent à des secteurs jugés moins pertinents.
De facto, plus la maturité du fonds à échéance est longue et plus le gisement potentiel est important.
Il est à préciser que dans la pratique, nos fonds à échéance comptent généralement entre 70 et 90 positions, ce qui constitue un bon équilibre entre diversification et lisibilité. Un fonds obligataire classique, quant à lui, peut en contenir davantage, souvent entre 120 et 140 lignes, car il ne se limite pas aux maturités correspondant à une échéance spécifique.

Quels critères de sélection privilégiez-vous ?
L’équipe combine plusieurs approches. Il y a d’abord la sélection crédit. Nous privilégions d’abord des émetteurs de qualité relative, souvent notés « BB », afin de renforcer la stabilité du portefeuille. Pour les titres de notation plus faible, l’analyse financière et sectorielle est particulièrement approfondie, car le risque spécifique y est plus élevé.
La vision macroéconomique joue également un rôle important. Elle influence la pondération de certains secteurs à un moment donné, comme une prudence temporaire sur l’immobilier ou un regain d’intérêt lorsque les fondamentaux s’améliorent. Certains segments d’activité se retrouvent de manière récurrente comme les télécoms, l’automobile ou encore les financières.
L’idée clé est que la diversification est essentielle : le portefeuille est réparti entre de nombreux secteurs, zones géographiques et profils d’émetteurs.
Enfin, le filtre environnemental, social et de gouvernance est intégré à la construction du portefeuille. Les secteurs les plus controversés sont exclus (le tabac, le charbon), et les émetteurs ayant les scores les plus faibles sont écartés afin d’assurer un niveau de durabilité supérieur à celui de l’indice de référence.

Que se passe-t-il à l’échéance du fonds ?
À l’échéance, les obligations du portefeuille ont normalement toutes été remboursées, ce qui permet de restituer la valeur correspondante aux porteurs. Certains investisseurs choisissent de sortir plus tôt lorsque la performance réalisée sur les premières années leur convient, ce qui peut se produire dans des contextes où la compression des primes de crédit améliore la valeur du fonds. Souvent, ces investisseurs optent pour le choix de se positionner sur un autre fonds à échéance de maturité plus longue.

Pourquoi ce type de fonds est-il attractif dans le contexte actuel ?
Ces fonds sont attractifs parce qu’ils permettent d’accéder à des niveaux de rendements redevenus significatifs après plusieurs années où les taux d’intérêt étaient très faibles ou négatifs. Aujourd’hui, le marché offre des niveaux de rémunération jugés intéressants, ce qui redonne de l’attrait aux stratégies obligataires.
Encore une fois, le principal avantage de ces fonds à échéance est la visibilité : l’investisseur connaît un niveau de rendement estimatif à l’entrée, ce qui lui permet de planifier plus facilement son allocation sur la durée. Il n’aura pas à se préoccuper de la volatilité du marché puisqu’il aura cristallisé un certain niveau de rendement sur les années à venir.
Le contexte macroéconomique joue également un rôle dans l’appétit des investisseurs pour ce type de fonds. Une croissance modérée, une inflation en baisse notamment en Europe et des entreprises ayant globalement assaini leur structure financière créent des conditions favorables. Les entreprises peuvent se refinancer à des conditions plus favorables qu’en 2022, ce qui renforce leur solidité et, par conséquent, la fiabilité des obligations qu’elles émettent.

Pour quels profils d’investisseurs ?
Ces fonds conviennent à une large variété d’investisseurs. Les investisseurs institutionnels y trouvent une solution efficace pour capter du rendement avec un horizon clairement défini, ce qui s’intègre facilement dans des mandats obligataires plus larges.
Les investisseurs particuliers apprécient la combinaison de visibilité, de diversification et de gestion professionnelle dans une logique d’allocation patrimoniale. Le produit convient particulièrement à ceux qui souhaitent une solution de portage sur quelques années, avec une volatilité maîtrisée et un horizon d’investissement bien identifié.
En matière d’allocation patrimoniale, le fonds à échéance peut être utilisé comme un élément stabilisant du portefeuille, destiné à délivrer un rendement régulier sur une période donnée. Il est particulièrement adapté à ceux qui recherchent un complément de revenu ou une solution d’attente dans un contexte de marché incertain.

Quels avantages par rapport à l’achat d’obligations en direct ?
L’avantage majeur est la diversification. Acheter une ou deux obligations en direct expose l’investisseur à un risque important : si l’un des émetteurs fait défaut, la perte peut être très significative. Dans le marché du haut rendement, la perte en cas de défaut est élevée, car les taux de recouvrement ne dépassent pas en moyenne 40%. La concentration sur un nombre réduit de titres rend donc l’investissement en direct très risqué pour un particulier.
Le fonds à échéance mutualise ce risque en regroupant plusieurs dizaines de titres, ce qui dilue l’impact d’un événement défavorable. Il offre également l’accès à des émissions réservées aux investisseurs professionnels, car leur montant minimum de souscription est élevé (autour de 100 000 euros). De plus, la gestion active s’appuie sur l’expertise financière d’équipes d’experts pour sélectionner les titres et permet d’anticiper les difficultés et d’ajuster le portefeuille, ce qu’un investisseur individuel ne peut généralement pas faire avec la même réactivité ni avec les mêmes outils d’analyse.
Ainsi, le fonds combine diversification, expertise dans la sélection, discipline de gestion et accès à un univers obligataire plus large que ce que la plupart des investisseurs peuvent atteindre seuls.

Un dernier message à retenir ?
Dans l’environnement actuel, caractérisé par des rendements redevenus attractifs et une volatilité relativement contenue, un fonds obligataire à échéance permet à l’investisseur de sécuriser un niveau de rendement dès l’entrée. Grâce à une gestion expérimentée, à un cadre d’analyse rigoureux et à une diversification structurée, ce type de produit offre un équilibre intéressant entre visibilité, portage et maîtrise du risque.
La mécanique d’échéance apporte une lisibilité rare dans l’univers obligataire, ce qui en fait une solution adaptée à de nombreux profils d’investisseurs souhaitant valoriser leur épargne avec une perspective de moyen terme.

Consultez les fiches transactionnelles achat/vente des fonds à échéance d'Amundi disponibles sur easybourse.com
- Amundi Buy & Watch 2028 P-C (FR001400CJ01)
- Amundi Buy & Watch High Yield 2029 P C (FR001400RVE1)

AVERTISSEMENT 

Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Les valeurs citées sont données uniquement à titre d’exemple.
Ni Easybourse ni Amundi ne sauraient être tenus responsables d'une décision d'investissement ou de désinvestissement sur la base de cet article. Le placement en bourse est soumis aux fluctuations et aux aléas des marchés financiers. Il comporte un risque de perte en capital.
Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances à venir.

Imen Hazgui