Après l'inflation, la Fed se focalise sur les marchés du travail

Publié le 26 Août 2024

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Après l'inflation, la Fed se focalise sur les marchés du travail

Après l'inflation, la Fed se focalise sur les marchés du travail

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par Howard Schneider

JACKSON HOLE, WYOMING (Reuters) - Après deux ans passés à combattre l'inflation, la Réserve fédérale se focalise de nouveau sur l'autre aspect de son double mandat, le plein emploi.

Le discours vendredi du président de l'institution, Jerome Powell, prononcé durant le symposium de Jackson Hole, a ouvert la porte à des baisses de taux et suggère que la politique monétaire devra s'adapter à un affaiblissement de l'emploi éjà amorcé.

Pour autant, la question principale n'est pas celle des baisses de taux de la Fed, mais du diagnostic que cet affaiblissement permet de porter sur l'économie américaine : est-elle en train de se stabiliser sous l'effet de la politique monétaire restrictive, ou est-elle déjà entrée en récession?

La réponse sera apportée par les prochains rapports mensuels sur l'emploi et sera essentielle au calibrage des prochaines baisses de taux de la Fed, qui cherche à éviter "un ralentissement plus prononcé des conditions du marché du travail", selon Jerome Powell.

"Nous ne cherchons ni ne désirons refroidir davantage des conditions", a déclaré Jerome Powell, suggérant que le taux de chômage actuel, 4,3%, serait celui que chercherait à préserver la Fed, ce alors que "les conditions sur les marchés du travail sont moins tendues qu'avant la pandémie".

Le chômage atteignait 4,1% lorsque Jerome Powell est devenu président de la Fed, en 2018, et a touché un plus bas de 3,5% en 2019 sans inquiéter sur l'inflation. Jerome Powell avait déclaré qu'il espérait retrouver ces conditions après la pandémie de Covid-19.

Le taux directeur de la Fed est actuellement de 5,25%-5,5%, un niveau bien supérieur au taux neutre estimé à 2,8% sur le long terme. L'inflation ralentissant vers sa cible de 2%, le rythme de l'assouplissement monétaire dépendra de la vitesse de refroidissement des marchés du travail.

"Ces marchés sont en ralentissement, mais vont-ils se stabiliser à ces niveaux (…) ou ralentir davantage ?", s'est interrogé Nela Richardson, chef économiste de l'ADP Research Institute, à l'occasion du discours de Jerome Powell.

L'économiste partage le point de vue de nombreux observateurs et de membres du conseil de politique monétaire de la Fed, qui estiment que l'activité demeure solide et retrouve simplement ses tendances de long terme, après le bouleversement lié à la pandémie. Pour autant, les inquiétudes sur l'emploi s'intensifient.

BASCULEMENT

Le discours de la Fed a évolué cette année, car si la banque centrale a pu relever rapidement ses taux sans impact important sur l'emploi, la situation n'est plus la même et le sujet sera au cœur de la réunion des 17 et 18 septembre.

Jusqu'en janvier, les communiqués de politique monétaire de la banque centrale précisaient que les responsables étaient "très attentifs" aux risques d'inflation. En janvier, le passage a été modifié pour souligner que les "risques liés aux deux aspects du mandat étaient désormais plus équilibrés".

En juin, ces risques étaient "mieux équilibrés", tandis que les responsables sont devenus en juillet "attentifs" à l'inflation et aux marchés du travail.

Les remarques de Jerome Powell ont rendu plus perceptibles encore ces changements vendredi dernier, le président de la Fed déclarant que "la balance des risques sur notre double mandat a changé" et que les responsables de l'institution "feront tout ce qu'il est possible pour s'assurer d'un marché de l'emploi solide".

La réunion de septembre sera un test pour ces engagements.

Les projections de taux des responsables de la Fed, ou "dot plots", seront mis à jour en septembre. Ce graphique avait été actualisé en juin, et la banque centrale prévoyait alors un taux de chômage stable à 4%, s'inquiétait toujours de la persistance de l'inflation et n'attendait qu'une seule baisse de taux cette année, de 25 points de base.

Le changement de ton est "alarmant" et prouve que la Fed a "attendu trop longtemps" pour baisser ses taux, selon Ian Shepherdson, chef économiste chez Pantheon Macroeconomics.

Le chef économiste d'Apollo Global Management, Torsten Slok, estime à l'inverse que des baisses précipitées pourraient raviver l'inflation, car les licenciements demeurent faibles.

INCERTITUDE

La Fed partage l'incertitude des économistes.

Certes, la croissance des emplois en juillet, à 114.000, a été inférieure à la moyenne post-pandémie, mais elle est en ligne avec la tendance d'avant 2020.

Le nombre de postes ouverts par personne au chômage, autre indicateur important, est passé de deux pour un - un record - à 1,2 pour un, là encore comparable aux tendances d'avant la pandémie.

Jerome Powell a d'ailleurs nuancé vendredi la hausse du taux de chômage, lié selon lui à une hausse du nombre d'actifs et à de moindres embauches, plutôt qu'à des pertes d'emploi.

Il y a "de bonnes raisons de croire en un retour de l'inflation à 2% et à des marchés de l'emploi solides", a-t-il constaté.

Susan Collins, présidente de la Fed de Boston, a déclaré qu'elle sentait une "résistance" des marchés du travail, ajoutant voir des "preuves que (le chômage) stagne" plutôt qu'une "envolée".

A l'inverse, Adriana Kugler, membre du conseil des gouverneurs de la Fed, estime que le nombre de postes ouverts par personne au chômage est un indicateur mal mesuré, les postes ouverts étant peut-être surestimés tandis que les différentes mesures du chômage donnent un ratio différent.

L'économiste de formation estime que le ratio atteint 1,1, et est peut-être inférieur à 1.

Avec d'autres mesures du chômage, comme celles incluant les actifs ayant abandonné la recherche d'emploi, "il serait possible d'avoir une image très différente" des marchés du travail, conclut-elle.

(Reportage Howard Schneider, version française Corentin Chappron, édité par Sophie Louet)

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