USA: La Fed réduit ses taux mais dit qu'une baisse en décembre n'est pas sûre
par Howard Schneider
WASHINGTON (Reuters) - La Réserve fédérale américaine (Fed) a, comme prévu, réduit mercredi de 25 points de base l'objectif de taux des "fed funds", dans une fourchette de 3,75% à 4,00%, deuxième baisse consécutive des coûts d'emprunt depuis la reprise du cycle d'assouplissement monétaire en septembre.
La Fed a également annoncé qu'elle allait reprendre des achats limités de titres du Trésor après les signes de pénurie de liquidités apparus sur les marchés monétaires, une situation que la banque centrale américaine s'est engagée à éviter.
La décision de la Fed sur les taux a été prise à dix voix contre deux. Le gouverneur Stephen Miran a de nouveau plaidé pour une réduction plus importante des coûts d'emprunt tandis que le président de la Fed de Kansas City, Jeffrey Schmid, s'est prononcé en faveur d'un statu quo, l'inflation n'affichant pas de signe de baisse, montre le communiqué de la banque centrale américaine publié à l'issue de sa réunion de politique monétaire de deux jours.
Le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré que les responsables de la banque centrale américaine peinaient à trouver un consensus sur la politique monétaire à venir et que les marchés financiers ne devraient pas anticiper une nouvelle baisse des taux d'ici la fin de l'année.
"Dans les discussions au sein du comité (FOMC) lors de cette réunion, il y a eu des points de vue très différents sur la façon de procéder en décembre", a déclaré Jerome Powell lors de la conférence de presse qui a suivi la décision la Fed.
"Une nouvelle réduction du taux directeur lors de la réunion de décembre n'est pas acquise. Loin de là, la politique monétaire n'est pas prédéfinie", a-t-il ajouté.
Après cette déclaration, les traders ont réduit la probabilité d'une baisse des taux en décembre à 71%, contre une probabilité de 90% précédemment.
Avant la baisse du mois dernier, la dernière réduction des taux de la Fed remontait à décembre 2024.
Une très large majorité d'économistes interrogés par Reuters, soit 115 sur 117, a estimé dans une enquête publiée le 21 octobre que la banque centrale américaine abaisserait ses taux d'un quart de point ce mercredi.
Concernant la décision de la Fed sur son bilan, la banque a précisé qu'elle maintiendrait, à compter du 1er décembre, le montant total de ses avoirs mais qu'elle modifierait son portefeuille en réinvestissant le produit des titres adossés à des créances hypothécaires arrivant à échéance dans des bons du Trésor.
Lors de sa conférence de presse, Jerome Powell a toutefois précisé que, malgré l'annonce de l'arrêt de la réduction du bilan de la banque centrale, celle-ci devrait à un moment donné recommencer à racheter des titres.
Afin de conserver suffisamment de liquidités dans le système financier pour maintenir les taux d'intérêt sous contrôle, la Fed augmentera à nouveau ses avoirs à un moment donné, a déclaré le président de la Fed.
Les réserves devront augmenter "pour suivre, vous savez, la taille du système bancaire et la taille de l'économie, donc nous ajouterons des réserves à un certain moment", a-t-il dit.
ABSENCE DE DONNÉES
Les responsables la Fed ont par ailleurs reconnu éprouver des difficultés dans le processus de prise de décision en raison du "shutdown", la fermeture partielle des services de l'administration américaine, qui empêche la publication d'indicateurs macroécononomiques officiels.
Toutefois, même si les dernières données officielles sur le marché de l'emploi remontent à août, ils notent que "les indicateurs disponibles suggèrent" que l'économie a continué à croître à un rythme modéré.
Le président de la Fed a cependant déclaré que la banque centrale surveillait de près ce qui pourrait être une détérioration de la situation du marché du travail, les ménages à faibles revenus montrant de plus en plus de signes de stress.
"Nous suivons la situation de très près" concernant la hausse des annonces de licenciements, a-t-il dit en conférence de presse, tout en notant que ces annonces n'avaient pas encore fait gonfler les demandes d'allocations au chômage.
"Nous pensons qu'il y a quelque chose", a-t-il ajouté en guise d'explication. "Les ménages aisés se portent bien et dépensent beaucoup, tandis que les autres font face à des difficultés croissantes", a-t-il dit.
RÉSURGENCE DE L'INFLATION
L'inflation aux Etats-Unis n'a pas augmenté aussi fortement qu'initialement prévu avec l'entrée en vigueur de nouveaux droits de douane instaurés par l'administration de Donald Trump. L'inflation sur un an est néanmoins passée d'environ 2,3% en avril à environ 2,7% en août, selon la dernière estimation officielle de l'indice des prix des dépenses de consommation personnelle (PCE) publiée avant le "shutdown".
L'indice PCE des prix est la mesure de l'inflation privilégiée par la Fed, qui a fixé un objectif à moyen terme de 2% pour cet indicateur. Dans les projections de la banque centrale américaine, publiées en septembre, ses responsables anticipaient une inflation à 3% d'ici la fin de l'année.
Ils avaient dit s'attendre à ce que cette hausse des prix s'atténue avec le temps, alors que parallèlement les inquiétudes sur le marché du travail s'étaient renforcées.
"Les risques de détérioration de l'emploi se sont accrus ces derniers mois", écrit la Fed dans son nouveau communiqué de politique monétaire.
Les indices boursiers américains ont légèrement progressé après la publication du communiqué de la Fed, les opérateurs et les investisseurs continuant d'anticiper une nouvelle baisse des taux en décembre et une autre en mars.
"Une seule publication modérée des chiffres de l'inflation, des anticipations ancrées et un ralentissement anecdotique de la demande de main-d'oeuvre soutiennent une orientation prudente vers un assouplissement monétaire", a commenté Alexandra Wilson-Elizondo, co-directrice en investissements chez Goldman Sachs Asset Management.
"Si les conditions se maintiennent, une nouvelle baisse de 25 points de base lors de la réunion de décembre semble probable", a-t-elle ajouté.
(Howard Schneider à Washington, avec la contribution de Michael S. Derby version française Claude Chendjou)