La fiscalité de l'épargne en 2018 : mode d'emploi

La fiscalité de l'épargne en 2018 : mode d'emploi

(Easybourse.com) Avec la suppression de l'ISF et l'instauration d'une "flat tax" sur les plus-values, intérêts et dividendes, le projet de loi de finances pour 2018 organise une véritable refonte de la fiscalité du capital. Comment cette réforme affecte-t-elle les différents placements, notamment en actions ? Quels choix s'imposent pour les épargnants ? Nos explications dans ce dossier.

Emmanuel Macron avait annoncé la couleur pendant la campagne présidentielle : "La fiscalité de l’épargne est inefficace. En raison du cumul des différents prélèvements, le système fiscal de l’épargne engendre pour les contribuables des impositions marginales excessives (jusqu'à 62 %), qui peuvent décourager l’investissement". Le président n'aura pas attendu pour mettre en œuvre sa promesse de remise à plat. La loi de finances pour 2018 organise en effet une véritable refonte de la fiscalité des placements, et notamment des actions, au travers de l'instauration d'une "flat tax" comme elle existe dans un certain nombre de pays.

Ce prélèvement forfaitaire unique, fixé à 30%, est plutôt une bonne nouvelle pour les investisseurs actifs disposant d'un compte-titres. Beaucoup devraient en effet voir leur feuille d'impôt s'alléger. En revanche ceux n'ayant qu'un PEA subiront l'augmentation des prélèvements sociaux (CSG) qui frappe la quasi-totalité des produits d'épargne. Dans ce nouveau cadre, l'assurance vie devrait conserver son attractivité même si les gros contrats seront plus lourdement taxés. Enfin, les contribuables les plus fortunés se consoleront avec la suppression de l'ISF et son recentrage sur le patrimoine immobilier.

Alors que l'examen du projet de loi de finances est désormais pratiquement terminé, sous réserve de modifications de dernière minute, nous vous proposons ici un décryptage des principales mesures de ce texte afin de vous préparer à la nouvelle donne fiscale annoncée dès le 1er janvier 2018.


Instauration d'un Prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus de l'épargne

La loi de Finances pour 2018 met en place un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur l'ensemble des revenus mobiliers (intérêts, plus-values, dividendes). Il concerne notamment les livrets rémunérés (hors livret A), les comptes-titres, certains produits de l’assurance vie ainsi que les nouveaux PEL/CEL (voir infra).
Ce PFU est également appelé « flat tax » car son taux – 30%– est le même quels que soient les revenus du contribuable. Cependant les ménages qui le souhaitent pourront conserver l’ancien système d’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, à condition d’en faire la demande expresse lors de leur prochaine déclaration de revenus.

-> Dans quels cas le PFU est-il plus avantageux ?

Le PFU inclut, d’une part, les prélèvements sociaux (17,2% à compter du 1er janvier 2018), d’autre part un prélèvement forfaitaire au titre de l’impôt sur le revenu de 12,8%. Si l’on compare ce taux au barème de l’IR, dont la première tranche est à 14%, le taux du PFU apparaît donc plus favorable pour tous les ménages imposables. Cependant, c’est sans compter les abattements (40% sur les dividendes, 50% à 65% sur les plus-values en fonction de la durée de détention) qui disparaissent avec le PFU.

Ces abattements demeurent avec l'option pour une imposition à l'IR. Ainsi celle-ci peut s'avérer plus avantageuse pour les ménages faiblement imposés. A contrario, pour les personnes situées dans les tranches supérieures de l'IR, le PFU est presque systématiquement plus avantageux. Le choix de l'un ou l'autre régime d'imposition s'appliquera à l'ensemble des revenus mobiliers du foyer. Il doit donc être fait après une étude attentive de la composition de ces revenus.












Le PFU en matière d'assurance vie


La fiscalité de l'assurance vie évolue elle aussi au 1er janvier 2018 avec l'application partielle de la flat tax aux produits de ce placement.

Toutefois le régime en vigueur au 1er janvier 2017 reste valable pour tous les gains issus de versements effectués avant le 27/09/2017.

Seuls les versements effectués après cette date seront soumis à la nouvelle fiscalité. A savoir:

- Pour tout retrait avant 8 ans, le taux de prélèvement est ramené à 30% (PFU)
- Pour tout retrait après 8 ans, le taux de 7,5% + prélèvements sociaux est maintenu, sauf pour les contrats dont l'encours est supérieur à 150 000 euros. Dans ce cas les gains générés par les primes supérieures à 150 000 euros sont soumis au PFU. Attention, si un même épargnant détient plusieurs contrats, le seuil de 150 000 euros est apprécié en additionnant les primes versées sur chaque contrat.
- Pour tout retrait après 8 ans, les abattements de 4600 euros (personne seule) et 9200 euros (couple) sont maintenus




L'analyse de Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne :
"En s’appliquant aux contrats de moins de 8 ans pour les versements intervenus après le 27 septembre, le PFU pourrait inciter les ménages à effectuer plus rapidement des rachats ou des transferts. En effet, les rachats intervenant avant 8 ans seront moins taxés avec le PFU qu’avec l’ancien système (taux variant de 52,2 à 32,2 % avec un taux de prélèvements sociaux à 17,2 % à compter du 1er janvier 2018). Pour les contrats de plus de 8 ans, le passage de 24,7 à 30 % (toujours à compter du 1er janvier 2018) ne concernerait que 6% des épargnants mais ces derniers détiennent une part importante de l’encours. De ce fait, des arbitrages pourraient s’effectuer en faveur du compte titre qui sera fiscalement traité de manière identique ou en faveur du PEA qui bénéficiera d’un régime plus avantageux (17,2 % après 5 ans)".

L'assurance vie conserve par ailleurs tous ses avantages en matière de transmission de patrimoine, après le décès de l'assuré.





PEA : pas de bouleversement mais un statut moins privilégié


Contrairement au compte titres et à l'assurance vie, tous deux soumis à la flat tax, le plan d'épargne en actions (PEA) conserve sa fiscalité spécifique et son principal avantage : l'exonération d'impôt après cinq ans sur l'ensemble des gains (plus-values, dividendes). Ces gains restent soumis aux prélèvements sociaux. Le PEA et son petit-frère le PEA-PME restent donc des enveloppes adaptées à l'investissement de moyen-long terme en actions. Cependant pour tout retrait avant 5 ans, les gains sont désormais davantage taxés dans le cadre d'un PEA qu'avec un compte-titres soumis au PFU. 




* Quid des "taux historiques" du PEA?
Dans son projet initial de loi de financement pour la Sécurité sociale, le gouvernement voulait mettre fin à l'application des "taux historiques" au PEA, au plan épargne entreprise (PEE) et au plan d'épargne retraite collective (PERCO). Cette décision aurait pénalisé un grand nombre d'épargnants et constitué une forme de taxation rétroactive compte tenu des hausses successives des prélèvements sociaux au cours des 20 dernières années. Le gouvernement a finalement maintenu la règle des taux historiques pour les gains réalisés ou constatés avant le 1er janvier 2018. Ceux-ci ne seront donc pas soumis à la hausse des prélèvements sociaux. En outre, un mécanisme transitoire est prévu pour les PEA ouverts depuis moins de 5 ans au 31/12/2017. Ces derniers gardent le bénéfice des taux historiques pendant les cinq premières années du plan. Sous réserve qu'il n'y ait pas d'autre hausse des prélèvements sociaux, une partie des gains sera ainsi taxée à 15,5%, l'autre à 17,2%. A compter du 1er janvier 2018, l'ouverture d'un PEA ne donnera plus droit à ce mode de calcul. La totalité des gains sera soumise aux prélèvements sociaux en vigueur au moment du rachat.


Livret A : un taux gelé jusqu'en 2020


Contrairement aux livrets bancaires rémunérés dont les intérêts sont soumis à la flat tax, le livret A et le livret de développement durable (LLD) restent exonérés d'impôt et de prélèvements sociaux. Cependant leur taux de rémunération est gelé à 0,75% jusqu'en 2020 ce qui, en cas d'inflation supérieure à 1%, risque d'entraîner une érosion de l'épargne placée sur ce produit.


PEL / CEL : une 'niche fiscale' fortement rabotée


Le plan épargne logement (PEL) et le compte-épargne logement (CEL) perdent un certain nombre d'avantages fiscaux. La prime d'Etat versée lors de la réalisation d'un prêt épargne logement est supprimée. Par ailleurs, les intérêts versés sur les PEL et les CEL bénéficient d'une exonération d'impôts pendant les 12 premières années du plan, après quoi ils sont soumis au prélèvement forfaitaire unique de 30% (ou sur option au barème de l'impôt sur le revenu). Seuls les plans ouverts avant le 31 décembre 2017 bénéficient de cette exonération pendant douze ans. Ceux qui seront ouverts en 2018 et après seront imposés dès le 1er euro d'intérêt.


Suppression de l'ISF et création de l'impôt sur la fortune immobilière
(IFI)


Outre une réorganisation de la fiscalité de l'épargne mobilière, la loi de finances pour 2018 modifie en profondeur la fiscalité du patrimoine. L'impôt sur la fortune (ISF) est supprimé en tant que tel et remplacé par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ce dernier concerne "les actifs immobiliers non affectés à l'activité professionnelle de leur propriétaire", et ignore de fait le patrimoine financier. Le seuil d'assujettissement reste le même, à partir d'1,3 million d'euros de patrimoine, et l'abattement de 30% sur la résidence principale est maintenu.

Au final le nombre de contribuables à l'IFI sera nettement plus faible que pour l'ISF (environ 150 000 contre 350 000) et leur montant d'impôt sera dans la plupart des cas réduit.

Cependant, l'assiette de ce nouvel impôt est plus large que ne le laisse entendre sa définition légale. Les parts de SCPI/OPCI et les titres de foncières cotées sont par exemple considérées par Bercy comme faisant partie du patrimoine immobilier. En outre les contribuables concernés n'auront plus la possibilité de réduire leur impôt via le mécanisme de l'ISF-PME, qui est également supprimé. En revanche la réduction d’impôt pour les dons en faveur d'organismes d’intérêt général est maintenue.


François Schott

Publié le 10 Septembre 2021