
Sitbon Gilles
Directeur de la gestion active actions chez Dorval Asset Management
Le segment des financières européennes connaît un bull market silencieux
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Publié le 21 Janvier 2025
Quel regard portez-vous sur le segment des financières européennes ?
De multiples analyses approfondies nous amènent à penser que le segment des financières européennes connait un bull market silencieux.
Pour rappel, celles-ci représentent 20% de la capitalisation boursière en Europe et se décomposent de la façon suivante : 10% de banques, 5% de compagnies d’assurances et 5% de financières diversifiées comme les sociétés de bourse ou les sociétés d’asset management.
Si l’on se concentre sur la performance des banques spécifiquement, celles-ci génèrent une surperformance par rapport au marché depuis environ 4 ans. Comment l’expliquez-vous ?
Nous sommes sur un triptyque rentabilité, solvabilité, valorisation, excellent.
Les banques ont mangé leur pain noir avec des augmentations de capital répétées depuis la crise des subprimes en 2008. Les bilans sont à présent très solides, assimilables à des forteresses.
En outre, la forte remontée des taux en 2022 et 2023 pour tenter de contrer la hausse de l’inflation a entrainé une hausse du chiffre d’affaires des banques européennes où la marge d’intérêt représente environ 60%. Cela est particulièrement vrai pour les banques d’Europe du sud où le marché du prêt immobilier est majoritairement à taux variable.
En dépit de cette surperformance, vous estimez qu’il n’y a eu aucun effet de rerating, autrement dit, d’expansion des multiples pour le segment...
Les banques valent actuellement environ 7,5 fois les résultats futurs. En regardant avec attention, la progression du cours des actions des bancaires coïncide peu ou prou avec l’accroissement de leurs bénéfices.
Quatre baisses de taux sont pricées en Europe cette année. Le gain apporté par la hausse des taux n’est-il pas quelque chose qui est dans le rétroviseur ?
Effectivement, la baisse des taux d’intérêt pourrait faire baisser la marge d’intérêt de 4% à 5% cette année.
Cependant, il y a des éléments susceptibles de venir compenser cette contraction, en particulier les commissions dans des activités telles que l’asset management, les couvertures qui ont été déployées dans les portefeuilles pour parer à la diminution des taux, et l’effet volume des prêts.
Ces amortisseurs devraient permettre aux banques européennes de maintenir des résultats relativement stables cette année.
Au-delà de la surperformance boursière, les banques présentent l’intérêt d’avoir un retour à l’actionnaire très attractif…
Entre le dividende et les rachats d’actions, nous sommes pour plusieurs établissements bancaires en Europe sur un retour à l’actionnaire de plus de 10%, 7% de dividende et 3% de rachats d’actions.
Quel est le principal risque lié à ce segment ?
Investir dans les banques reste un investissement lié à la conjoncture économique. Si les économies européennes venaient à décélérer fortement, les banques européennes seraient impactées de plein fouet. Elles seraient contraintes à passer plus de provisions en lien avec les prêts accordés aux particuliers ou aux entreprises insolvables.
Ce n’est pas notre scénario central. Nous sommes alignés avec le consensus qui attend une croissance entre 0,8% et 1% en Europe.
Le service idées d’investissement à disposition des clients d’EasyBourse met à l’honneur ce mois ci quatre financières dont trois bancaires : Banco Santander, Société Générale, Crédit Agricole et Deutsche Börse. Cela vous inspire-t-il des commentaires ?
La Societe Générale nous paraît intéressante dans le contexte actuel. Nous sommes sensiblement exposés à la valeur pour plusieurs raisons. En premier lieu, il y a eu un changement de dirigeant l’an dernier qui est en train d’opérer une sorte de révolution culturelle par des décisions impactantes comme le changement du directeur financier, ou encore la restructuration de l'équipe de la banque de détail en France.
Ensuite, des réductions de coût importantes, de plus de 1,7 milliard ont été annoncées : 800 millions dans la banque de détail France, 400 millions dans la division Banque de détail à l’international & mobilité et 500 millions dans la banque d’affaires.
Le choix a été fait de devenir plus sélectifs dans les actifs détenus. En cela, le mix du portefeuille d’activité a évolué. De nombreuses activités ont été cédées : de financement d’équipements, de banque privée en Angleterre et en Suisse libérant ainsi du capital régulatoire… et faisant augmenter le "core equity tier one", une mesure de profitabilité.
Une optimisation est encore envisageable pour se recentrer sur les activités coeur. Il y a encore des économies de coût à aller chercher dans la partie IT, ou au sein de l’organisation. Certaines activités sont encore potentiellement à vendre en Afrique, dans les « securities services », dans la partie « consumer » en Allemagne.
La société a communiqué sur un ratio chiffres d’affaires / coût (cost income ratio) qui serait à 60% en 2026, contre 68,8% fin septembre 2024. Les investisseurs croient en cet objectif.
Au-delà de ces indicateurs, nous pensons que le groupe pourrait retourner entre 8 et 9 milliards d’euros à l’actionnaire sur un scénario optimiste sur les trois prochaines années, soit entre 40% et 50% de leur capitalisation boursière.
De quelle manière voyez-vous le cours de bourse évoluer ?
Le potentiel de revalorisation nous parait significatif. La valorisation est à 0,45 fois les capitaux propres tangibles (la valeur du capital dont sont retranchées les immobilisations incorporelles). La société projette d’atteindre une rentabilité des capitaux propres tangibles de 10%. La revalorisation vers les capitaux propres tangibles pourrait alors remonter à 1 fois.
Dit autrement, le PE de la banque s’établit aujourd’hui à environ 5,5 fois. La valorisation pourrait revenir à la moyenne sectorielle de 7,5 fois. Cela fait une progression de 30% à gagner sur le multiple en complément d’une progression sur les résultats.
Qu’auriez-vous à dire sur les autres valeurs financières précitées ?
Nous avons récemment rencontré les dirigeants de Deutsche Börse. Le groupe a avancé des résultats hors marge d’intérêts à 9%. La société est bien gérée sur de multiples activités: trading et clearing, custody, investment solutions pour les asset managers ….
La société est bien valorisée. Toutefois, le consensus est peut-être trop prudent pour les chiffres de 2025. De plus, il y a une sorte d’option gratuite. Face à un surcroit de volatilité sur les marchés financiers, les opérateurs cherchent à couvrir leur portefeuille en achetant des futures ou des options ce qui sert les intérêts d’une société comme Deutsche Börse.
Comparativement à Société Générale, le potentiel de revalorisation est moindre sur CASA. La banque coche toutes les bonnes cases : un rendement de dividende à 7,5%, un bon bilan, une valorisation faible, soit 7 fois le PE 2025. Mais la valeur des capitaux propres tangibles de CASA se situe à un niveau bien plus élevé que celle de Société Générale en relatif.
AVERTISSEMENT
« Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement.
Ni Easybourse ni Dorval AM ne sauraient être tenus responsables d'une décision d'investissement ou de désinvestissement sur la base de cet article. Le placement en bourse est soumis aux fluctuations et aux aléas des marchés financiers. Il comporte un risque de perte en capital.
Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances futures. »
De multiples analyses approfondies nous amènent à penser que le segment des financières européennes connait un bull market silencieux.
Pour rappel, celles-ci représentent 20% de la capitalisation boursière en Europe et se décomposent de la façon suivante : 10% de banques, 5% de compagnies d’assurances et 5% de financières diversifiées comme les sociétés de bourse ou les sociétés d’asset management.
Si l’on se concentre sur la performance des banques spécifiquement, celles-ci génèrent une surperformance par rapport au marché depuis environ 4 ans. Comment l’expliquez-vous ?
Nous sommes sur un triptyque rentabilité, solvabilité, valorisation, excellent.
Les banques ont mangé leur pain noir avec des augmentations de capital répétées depuis la crise des subprimes en 2008. Les bilans sont à présent très solides, assimilables à des forteresses.
En outre, la forte remontée des taux en 2022 et 2023 pour tenter de contrer la hausse de l’inflation a entrainé une hausse du chiffre d’affaires des banques européennes où la marge d’intérêt représente environ 60%. Cela est particulièrement vrai pour les banques d’Europe du sud où le marché du prêt immobilier est majoritairement à taux variable.
En dépit de cette surperformance, vous estimez qu’il n’y a eu aucun effet de rerating, autrement dit, d’expansion des multiples pour le segment...
Les banques valent actuellement environ 7,5 fois les résultats futurs. En regardant avec attention, la progression du cours des actions des bancaires coïncide peu ou prou avec l’accroissement de leurs bénéfices.
Quatre baisses de taux sont pricées en Europe cette année. Le gain apporté par la hausse des taux n’est-il pas quelque chose qui est dans le rétroviseur ?
Effectivement, la baisse des taux d’intérêt pourrait faire baisser la marge d’intérêt de 4% à 5% cette année.
Cependant, il y a des éléments susceptibles de venir compenser cette contraction, en particulier les commissions dans des activités telles que l’asset management, les couvertures qui ont été déployées dans les portefeuilles pour parer à la diminution des taux, et l’effet volume des prêts.
Ces amortisseurs devraient permettre aux banques européennes de maintenir des résultats relativement stables cette année.
Au-delà de la surperformance boursière, les banques présentent l’intérêt d’avoir un retour à l’actionnaire très attractif…
Entre le dividende et les rachats d’actions, nous sommes pour plusieurs établissements bancaires en Europe sur un retour à l’actionnaire de plus de 10%, 7% de dividende et 3% de rachats d’actions.
Quel est le principal risque lié à ce segment ?
Investir dans les banques reste un investissement lié à la conjoncture économique. Si les économies européennes venaient à décélérer fortement, les banques européennes seraient impactées de plein fouet. Elles seraient contraintes à passer plus de provisions en lien avec les prêts accordés aux particuliers ou aux entreprises insolvables.
Ce n’est pas notre scénario central. Nous sommes alignés avec le consensus qui attend une croissance entre 0,8% et 1% en Europe.
Le service idées d’investissement à disposition des clients d’EasyBourse met à l’honneur ce mois ci quatre financières dont trois bancaires : Banco Santander, Société Générale, Crédit Agricole et Deutsche Börse. Cela vous inspire-t-il des commentaires ?
La Societe Générale nous paraît intéressante dans le contexte actuel. Nous sommes sensiblement exposés à la valeur pour plusieurs raisons. En premier lieu, il y a eu un changement de dirigeant l’an dernier qui est en train d’opérer une sorte de révolution culturelle par des décisions impactantes comme le changement du directeur financier, ou encore la restructuration de l'équipe de la banque de détail en France.
Ensuite, des réductions de coût importantes, de plus de 1,7 milliard ont été annoncées : 800 millions dans la banque de détail France, 400 millions dans la division Banque de détail à l’international & mobilité et 500 millions dans la banque d’affaires.
Le choix a été fait de devenir plus sélectifs dans les actifs détenus. En cela, le mix du portefeuille d’activité a évolué. De nombreuses activités ont été cédées : de financement d’équipements, de banque privée en Angleterre et en Suisse libérant ainsi du capital régulatoire… et faisant augmenter le "core equity tier one", une mesure de profitabilité.
Une optimisation est encore envisageable pour se recentrer sur les activités coeur. Il y a encore des économies de coût à aller chercher dans la partie IT, ou au sein de l’organisation. Certaines activités sont encore potentiellement à vendre en Afrique, dans les « securities services », dans la partie « consumer » en Allemagne.
La société a communiqué sur un ratio chiffres d’affaires / coût (cost income ratio) qui serait à 60% en 2026, contre 68,8% fin septembre 2024. Les investisseurs croient en cet objectif.
Au-delà de ces indicateurs, nous pensons que le groupe pourrait retourner entre 8 et 9 milliards d’euros à l’actionnaire sur un scénario optimiste sur les trois prochaines années, soit entre 40% et 50% de leur capitalisation boursière.
De quelle manière voyez-vous le cours de bourse évoluer ?
Le potentiel de revalorisation nous parait significatif. La valorisation est à 0,45 fois les capitaux propres tangibles (la valeur du capital dont sont retranchées les immobilisations incorporelles). La société projette d’atteindre une rentabilité des capitaux propres tangibles de 10%. La revalorisation vers les capitaux propres tangibles pourrait alors remonter à 1 fois.
Dit autrement, le PE de la banque s’établit aujourd’hui à environ 5,5 fois. La valorisation pourrait revenir à la moyenne sectorielle de 7,5 fois. Cela fait une progression de 30% à gagner sur le multiple en complément d’une progression sur les résultats.
Qu’auriez-vous à dire sur les autres valeurs financières précitées ?
Nous avons récemment rencontré les dirigeants de Deutsche Börse. Le groupe a avancé des résultats hors marge d’intérêts à 9%. La société est bien gérée sur de multiples activités: trading et clearing, custody, investment solutions pour les asset managers ….
La société est bien valorisée. Toutefois, le consensus est peut-être trop prudent pour les chiffres de 2025. De plus, il y a une sorte d’option gratuite. Face à un surcroit de volatilité sur les marchés financiers, les opérateurs cherchent à couvrir leur portefeuille en achetant des futures ou des options ce qui sert les intérêts d’une société comme Deutsche Börse.
Comparativement à Société Générale, le potentiel de revalorisation est moindre sur CASA. La banque coche toutes les bonnes cases : un rendement de dividende à 7,5%, un bon bilan, une valorisation faible, soit 7 fois le PE 2025. Mais la valeur des capitaux propres tangibles de CASA se situe à un niveau bien plus élevé que celle de Société Générale en relatif.

« Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement.
Ni Easybourse ni Dorval AM ne sauraient être tenus responsables d'une décision d'investissement ou de désinvestissement sur la base de cet article. Le placement en bourse est soumis aux fluctuations et aux aléas des marchés financiers. Il comporte un risque de perte en capital.
Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances futures. »
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