Interview de Florent  Delorme  : Directeur des investissements chez M&G Investments

Florent Delorme

Directeur des investissements chez M&G Investments

Marchés financiers : vers l'éclatement d'une bulle sur l'intelligence artificielle en 2026 ?

Publié le 03 Décembre 2025

Comment jugez-vous l’année 2025 sur les marchés ? Est-elle surprenante ou conforme aux attentes ?
L’année 2025 est une année surprenante. La grande surprise a été la mise au premier plan de la question des droits de douane dès le début de l’année, avec un paroxysme au moment du « Liberation Day », en avril. Le marché a eu très peur de cet événement et, finalement, cela a eu assez peu d’impact sur les valorisations des marchés actions. C’est vraiment l’un des faits marquants de 2025.

L’année 2025 est une année surprenante

 
Le deuxième grand thème est relatif à l’émergence de la thématique de l’intelligence artificielle comme sujet vraiment incontournable. Nous avons démarré l’année avec l’intelligence artificielle déjà parmi les thématiques fortes du marché, mais au fur et à mesure, cette thématique est devenue centrale. C’est aujourd’hui ce qui dirige les marchés.

À un mois de la fin de l’année, dispose-t-on d’une visibilité suffisante pour établir un scénario central sur les prochains trimestres ?
La visibilité manque encore, en particulier sur la thématique de l’intelligence artificielle. Nous sommes obligés de nous positionner sans pouvoir affirmer les choses avec certitude, car il y a de bons arguments de part et d’autre.

La visibilité manque encore, en particulier sur la thématique de l’intelligence artificielle

D’un côté, il y a ceux qui s’inquiètent de la capacité des grands acteurs de l’intelligence artificielle à monétiser leurs investissements. Ils rappellent que rien ne démontre encore l’existence d’un débouché commercial suffisamment important pour cette offre, et que l’on pourrait découvrir que tous ces investissements ne trouveront pas de clients.. Ils soulignent aussi que ces investissements sont énormes : il faut remplacer les puces en permanence, elles s’amortissent sur des durées très courtes, elles ont des durées de vie très limitées et l’on est obligé d’acheter de nouvelles puces avant même d’avoir complètement utilisé celles que l’on avait.
À cela s’ajoute la question de la consommation énergétique : aura-t-on suffisamment d’énergie pour alimenter tous ces centres de données ? Quand on ajoute ces trois arguments – le doute sur les débouchés commerciaux , le coût et le renouvellement permanent du matériel ; et la consommation énergétique – l’inquiétude est compréhensible.
En même temps, si l’on regarde les arguments de ceux qui sont plus constructifs, on constate que ce sont des sociétés en situation d’oligopole -comme Microsoft, Alphabet et d’autres grands acteurs de ce segment, qui pilotent ce marché de l’intelligence artificielle. Elles ont déjà des clients, une base de clientèle existante, qu’il “suffit” en quelque sorte d’équiper. Dans cette perspective, la question de trouver des débouchés se pose peut-être avec moins d’acuité.

 On parle de marchés, de financement, de monétisation future. Pour aller au-delà, il faut replacer cette dynamique dans un cadre plus large

Par ailleurs, une fois que l’on comprend les perspectives offertes par l’intelligence artificielle, on imagine que la puissance de calcul combinée à cette capacité de traitement peut permettre des avancées très rapides dans de multiples domaines, comme la santé, les professions du conseil au sens large et bien d’autres secteurs. Le potentiel de développement paraît considérable, ce qui donne envie d’adhérer à cette logique.
Il faut également souligner que ces investissements sont majoritairement réalisés en numéraire, grâce à la trésorerie des entreprises, même si l’on observe aujourd’hui un début d’émissions obligataires pour les financer. À ce stade, l’endettement reste tout à fait raisonnable.
La difficulté est donc de sortir d’un débat où les arguments économiques, pour et contre, sont tous pertinents : on parle de marchés, de financement, de monétisation future. Pour aller au-delà, il faut replacer cette dynamique dans un cadre plus large.

Que voulez-vous dire ?
La toile de fond, c’est la rivalité entre la Chine et les États-Unis. Les deux pays considèrent que la course pour l’hégémonie mondiale va se jouer en grande partie sur cette thématique : celui qui maîtrisera l’intelligence artificielle maîtrisera probablement une grande partie de l’avenir, y compris dans ses applications militaires.

La toile de fond, c’est la rivalité entre la Chine et les États-Unis

Autour de l’intelligence artificielle, il y a tout un écosystème technologique : le nuage informatique, les semi-conducteurs, l’infrastructure matérielle et logicielle. Cet ensemble constitue le cœur d’une future domination économique et militaire. On voit mal les États-Unis renoncer à cette possibilité de maintenir leur hégémonie.
Dans un tel contexte, les investissements ne peuvent pas être mis en retrait. Ils deviennent quasiment “obligatoires” lorsque deux grandes puissances sont engagées dans une course effrénée, l’une pour maintenir son hégémonie (les États-Unis), l’autre pour la contester (la Chine).

 Celui qui maîtrisera l’intelligence artificielle maîtrisera probablement une grande partie de l’avenir, y compris dans ses applications militaire

Aussi, outre-Atlantique, un écosystème s’est progressivement mis en place entre la puissance publique et la sphère privée. On a en tête ces images où le président et les dirigeants de la Silicon Valley se retrouvent à la Maison-Blanche. Il existe une dynamique d’ensemble qui combine l’administration américaine et le secteur privé technologique, et qui fonctionne en symbiose pour soutenir la puissance américaine.
Les pouvoirs publics soutiendront cet écosystème via la commande publique, notamment la commande militaire. Le déficit budgétaire américain sert déjà, et servira encore, à soutenir ce secteur.
Pour sortir des seuls arguments économiques (monétisation à court terme, niveaux d’investissement), il faut donc insister sur le fait que nous vivons un moment de basculement de l’histoire, comme il en existe assez peu. Ce sont des moments de transition entre une domination et une autre.
Le dernier grand basculement de ce type remonte à la période où le Royaume-Uni a peu à peu perdu la main au profit des États-Unis. De nombreux historiens considèrent que la guerre de 1914-1918 a été le moment où le Royaume-Uni, alors puissance mondiale dominante, a commencé à céder la place aux États-Unis, qui ont commencé à s’affirmer pleinement.

 Les investissements deviennent quasiment “obligatoires” lorsque deux grandes puissances sont engagées dans une course effrénée

 
Ce type de basculement arrive approximativement tous les 150 ans. Nous vivons aujourd’hui un moment où la Chine est en capacité de remettre en cause l’hégémonie mondiale américaine. Les États-Unis vont donc mettre le maximum de leur énergie pour tenter de préserver cette hégémonie.
On le voit dans les décisions de l’administration américaine, qui cherche à assouplir ou déréguler le cadre réglementaire autour de l’intelligence artificielle pour permettre aux entreprises de développer leurs grands modèles de langage le plus rapidement possible.

 Nous vivons un moment de basculement de l’histoire, comme il en existe assez peu

L’administration a clairement affirmé sa volonté de faire des États-Unis la terre d’accueil et le leader du secteur de l’intelligence artificielle. Il s’agit d’un projet politique et stratégique.
C’est ce cadre géopolitique et historique qu’il faut garder en tête lorsque l’on fait une analyse strictement économique de la monétisation des investissements à deux ou trois ans : le cadre réel est beaucoup plus large que cela.

Dans ce contexte, comment voyez-vous l’évolution de la croissance américaine en 2026 ? Les investissements liés à l’intelligence artificielle vont-ils continuer à la soutenir ?
En 2026, il est probable que les investissements massifs se poursuivent, y compris en recherche fondamentale, et pas uniquement dans la construction de centres de données ou d’infrastructures physiques. C’est d’ailleurs l’un des éléments qui inquiète le marché lorsqu’il voit des entreprises comme Meta consacrer une part significative de leurs dépenses à la recherche fondamentale.

En 2026, il est probable que les investissements massifs se poursuivent, y compris en recherche fondamentale

Mais une telle démarche est logique dans le cadre d’une course technologique : il faut investir dans la recherche fondamentale, même si cela ne se monétise pas immédiatement. L’enjeu n’est pas uniquement de générer des revenus à un horizon de douze mois, mais de conserver ou d’acquérir un leadership technologique.
Le contexte géopolitique pousse donc à une poursuite massive des investissements, même si le marché n’aime pas nécessairement ce profil de dépenses. Et cette dynamique devrait soutenir la croissance américaine.

L’enjeu n’est pas uniquement de générer des revenus à un horizon de douze mois, mais de conserver ou d’acquérir un leadership technologique

En parallèle, la baisse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine sera, selon nous, le deuxième grand catalyseur de la dynamique de 2026. Il est difficile de prévoir précisément le calendrier et l’ampleur de ces baisses- plausiblement deux à trois baisses de taux de 0,25%-mais la tendance est à une réduction des taux. Ce mouvement serait cohérent avec la nécessité de financer des investissements massifs.
Le contexte géopolitique impose des investissements importants et des taux plus bas pour maintenir la capacité d’investissement, notamment si la dette vient progressivement prendre le relais des investissements financés en numéraire.
Ces baisses de taux seront rendues possibles par une inflation globalement maîtrisée. Même si une inflation structurelle autour de 3% persiste aux États-Unis, ce ne serait pas dramatique. L’administration traite plutôt ponctuellement certains problèmes, comme ceux liés aux produits alimentaires, tandis qu’une inflation un peu plus élevée sur des biens qui ne sont pas de première nécessité n’est pas considérée comme un problème majeur au regard des enjeux stratégiques évoqués.

La question de l’indépendance de la Réserve fédérale américaine est souvent évoquée. Est-ce vraiment un sujet ou plutôt un faux débat ?
Je pense que le cadre constitutionnel est assez solide. L’idée selon laquelle le président américain pourrait réellement “prendre le contrôle” de la Réserve fédérale me semble exagérée.

L’idée selon laquelle le président américain pourrait réellement “prendre le contrôle” de la Réserve fédérale me semble exagérée.

Le Président américain dispose certes de la capacité de nommer des personnes dont le mandat arrive à son terme, mais ces mandats sont très longs. Une fois nommées, ces personnes ne sont pas censées prendre certaines décisions plutôt que d’autres sous la pression de l’exécutif. Le pouvoir de nomination n’implique pas une allégeance totale pendant toute la durée du mandat.
Il faut rappeler par exemple que Jerome Powell a été nommé par le président Trump et qu’il s’est assez rapidement affranchi de l’influence politique, précisément parce que le cadre institutionnel lui garantit une liberté d’action.

 Le cadre institutionnel lui garantit une liberté d’action.

Les membres de la Réserve fédérale doivent rendre des comptes devant l’histoire pour leurs décisions. Leurs décisions resteront guidées par les circonstances économiques : croissance, inflation, stabilité des marchés financiers.
Il est donc réducteur de considérer que, parce qu’une personne a été nommée par un président, elle lui serait acquise sur toute la durée de son mandat. C’est le même raisonnement simpliste que l’on applique parfois à la Cour suprême des États-Unis : on entend dire que, comme plusieurs membres ont été nommés par un président, la Cour lui serait “acquise”.

Les décisions resteront guidées par les circonstances économiques : croissance, inflation, stabilité des marchés financiers 

Or, dans le dossier des droits de douane, par exemple, certains juges réputés proches du Président Trump ont exprimé des doutes sur le bien-fondé de certaines mesures. Le droit reste le droit, et l’on ne peut pas le tordre indéfiniment au nom d’une loyauté politique.
Pour toutes ces raisons, l’idée d’une perte d’indépendance de la Réserve fédérale est, selon nous, exagérée. Le système a été conçu précisément pour préserver cette indépendance, notamment grâce à la longueur des mandats et à leur renouvellement progressif, et non simultané.

Comment analysez-vous la croissance américaine dans un contexte de fortes inégalités et de fracture sociale ?
Il est vrai que les chiffres montrent que les classes aisées représentent environ 50% de la consommation américaine. Ce n’est pas nouveau : la société américaine est très inégalitaire, et, vue d’Europe, cette disparité de consommation est souvent choquante.

 La société américaine est très inégalitaire [...] le modèle économique américain a toujours fonctionné ainsi 

Cependant, le modèle économique américain a toujours fonctionné ainsi. Il n’y a pas, de ce point de vue, de nouveauté majeure à intégrer dans l’analyse macroéconomique. Sur le plan strictement économique, le fait que la consommation soit réalisée par une part relativement réduite de la population ne constitue pas, en soi, un problème pour la croissance. Les marchés regardent la consommation agrégée, sans se préoccuper de sa répartition.

Cette fracture n’a pas empêché la croissance américaine d’être forte au cours des quinze dernières années

En revanche, c’est incontestablement un problème social et politique, qui pose la question de la stabilité de la société américaine à moyen et long terme. On peut se demander si une société peut rester durablement stable lorsque les inégalités sont aussi marquées. C’est un débat de fond qui dépasse l’analyse macroéconomique classique.
Ce qui est certain, c’est que cette fracture n’a pas empêché la croissance américaine d’être forte au cours des quinze dernières années, même si les inégalités se sont accentuées.
Pour les années à venir, il est difficile d’avoir une prévision très précise, mais des taux de croissance autour de 2% voire plus restent tout à fait envisageables et ne me paraissent pas du tout aberrants.

Sur les marchés financiers américains, faut-il encore se concentrer sur les grandes valeurs technologiques ou se diversifier vers le reste de l’indice et les petites capitalisations ?
Du côté des actions, même si la technologie restera sans doute un catalyseur important de la hausse des marchés en 2026, il existe un réel besoin d’équilibre dans les portefeuilles. Il ne s’agit pas d’avoir des portefeuilles trop concentrés sur la technologie.

Il ne s’agit pas d’avoir des portefeuilles trop concentrés sur la technologie 

Lorsque la technologie représente environ 30% de l’indice Standard & Poor’s 500, nous ne recommandons pas de surpondérer ce secteur par rapport à l’indice, mais plutôt de rester à peu près en ligne avec cette pondération. En parallèle, nous continuons de préconiser d’autres types de valeurs, comme les valeurs bancaires ou les valeurs de santé, qui offrent des rendements et permettent de construire un portefeuille combinant croissance et rendement.

 Nous continuons de préconiser d’autres types de valeurs, comme les valeurs bancaires ou les valeurs de santé

Nous ne privilégions pas particulièrement les petites capitalisations, car elles sont très sensibles à la conjoncture économique. Dans un contexte où nous ne sommes pas certains d’une forte accélération de la croissance, nous préférons des capitalisations plus importantes, qui présentent un profil plus robuste.

Et que faire sur les taux ?
Sur les taux, certains estiment que l’endettement américain finira par provoquer un réveil brutal du marché obligataire, avec une sanction sur les maturités longues. Selon cette vision, il faudrait éviter les maturités longues.

 Nous pensons que la Réserve fédérale préservera son indépendance [...] l’inflation ne va pas s’emballer

À l’inverse, nous pensons que la Réserve fédérale préservera son indépendance, que son cadre institutionnel garantit sa crédibilité, et que l’inflation ne va pas s’emballer. Les droits de douane ont un impact immédiat mais non récurrent sur l’inflation, et ne devraient pas provoquer durablement une inflation à 4 ou 5%.
Dès lors que la Réserve fédérale conserve sa crédibilité et que l’inflation reste maîtrisée, il n’y a pas de raison que les taux longs américains, qui se situent aujourd’hui légèrement au-delà de quatre pour cent, subissent des tensions extrêmes. Pour nous, il est tout à fait possible d’investir sur les taux longs américains et de trouver des points d’entrée satisfaisants aux niveaux actuels.

 Il est tout à fait possible d’investir sur les taux longs américains

La question du déficit budgétaire américain ne devrait pas se poser de manière aiguë dès l’année prochaine. Le dollar reste la principale monnaie de référence internationale et il n’existe pas d’alternative pleinement crédible. La monnaie unique européenne n’est pas adossée à une économie suffisamment intégrée et puissante pour attirer massivement les capitaux en substitution du dollar.
En outre, le déficit américain sert en grande partie à financer des investissements technologiques, dans l’intelligence artificielle et les centres de données, dans le cadre de dispositifs fiscaux favorables. Il s’agit d’un “bon déficit” dans la mesure où il finance la croissance, l’innovation et le leadership technologique, ce qui contribue à renforcer le dollar.

Une crise de la dette américaine en 2026 nous paraît un scénario assez peu probable 

La thèse d’une crise imminente de la dette américaine ou de la fin du dollar comme monnaie de référence, qui a été très présente dans certains discours à partir du Liberation Day, semble aujourd’hui nettement moins mise en avant. Une crise de la dette américaine en 2026 nous paraît un scénario assez peu probable.

Le dollar a reculé de plus de dix pour cent en 2025. Comment voyez-vous son évolution, notamment face à l’euro et à un panier de devises ?
Le recul du dollar en 2025, de plus de dix pour cent, a été l’une des surprises de l’année. Nous ne nous attendons pas forcément à une remontée marquée du dollar l’année prochaine, mais plutôt à une stabilisation autour des niveaux actuels.

Nous ne nous attendons pas forcément à une remontée marquée du dollar l’année prochaine

Le dollar était auparavant très surévalué, ce qui reflétait un consensus sur la supériorité de l’économie américaine et de son secteur technologique. Il y a eu un ajustement en 2025, et il est logique que le marché intègre également la persistance des déficits américains, nécessaires pour financer la nouvelle économie.

 Il est cohérent que le dollar se stabilise à des niveaux un peu inférieurs

Dans ce contexte, il est cohérent que le dollar se stabilise à des niveaux un peu inférieurs à ceux observés auparavant, sans que l’on anticipe nécessairement une remontée spectaculaire ni une poursuite de la baisse au même rythme.

Que prévoyez-vous pour les marchés actions américains en 2026 : correction, hausse, ou grande incertitude ?
Il est probable que de nombreux marchés actions terminent l’année 2026 avec une performance positive. Si nous sommes investis en actions aujourd’hui, c’est bien parce que nous pensons que 2026 offrira des opportunités favorables. Cela reste toutefois une hypothèse qui nécessite toutes les précautions habituelles.

Nous ne serions pas surpris de voir une correction [...] avant un rebond

Nous ne serions pas surpris de voir une correction, notamment sur les valeurs technologiques, de l’ordre de 15 à 20% à un moment donné, avant un rebond. Beaucoup d’investisseurs attendent d’ailleurs de meilleurs points d’entrée pour se repositionner sur ce segment.
Notre scénario reste celui d’une performance positive des marchés actions en 2026, accompagnée possiblement d’une phase intermédiaire de respiration sur la technologie, avant un redémarrage porté par le retour d’acheteurs de long terme.

Comment jugez-vous les valorisations des actions européennes et quelles sont vos préférences sectorielles ?
En Europe, la Banque centrale européenne ne devrait pas beaucoup bouger en 2026. Elle est arrivée au terme de son cycle de baisse de taux, avec une inflation maîtrisée et une croissance européenne qui devrait se situer autour de son potentiel. Cela justifie une posture assez orthodoxe, sans nouvelle baisse importante des taux.

Nous recommandons de conserver une part d’actions européennes dans un portefeuille global

Les marchés actions de la zone euro ont été portés en 2025 principalement par la dimension “valeur”, en particulier par le secteur bancaire. Le secteur de la défense a été également un contributeur positif. Cette dynamique a été largement soutenue par le rejet ou, au minimum, la méfiance à l’égard des politiques américaines en matière de commerce international.
Lorsque les droits de douane sont devenus un sujet majeur, beaucoup d’investisseurs ont cherché des valeurs moins dépendantes des exportations vers les États-Unis. Ils ont alors acheté des banques et des financières européennes, qui avaient très peu d’exposition à l’économie américaine, ce qui a contribué à leur revalorisation, parfois indépendamment de leurs progrès intrinsèques.

La zone euro offre surtout des valeurs de rendement, avec davantage de sociétés distribuantes.

En 2026, cette dynamique devrait s’estomper, dans la mesure où les États-Unis font moins peur qu’il y a quelques mois : les droits de douane n’apparaissent plus comme un risque systémique majeur, et les inquiétudes autour du dollar et de l’indépendance de la Réserve fédérale sont un peu retombées. Les flux réguliers vers les actions de la zone euro devraient donc être moins puissants.
Pour autant, nous recommandons de conserver une part d’actions européennes dans un portefeuille global. La zone euro offre surtout des valeurs de rendement, avec davantage de sociétés distribuantes. Les banques européennes, par exemple, versent des dividendes réguliers, ce qui permet de construire un style de gestion “rendement” intéressant dans un portefeuille équilibré.

Nous défendons également la thématique “valeur” en Europe

Nous défendons également la thématique “valeur” en Europe, mais pas dans une logique de “décote pour la décote”. Nous n’achetons pas un titre simplement parce qu’il est bon marché. Nous sommes très attentifs à la qualité des projets industriels des entreprises. Il faut qu’il y ait un projet solide derrière la valorisation.
Ainsi, notre prisme en Europe est à la fois un prisme de rendement et un prisme de qualité industrielle. Nous regardons la valorisation, mais aussi la robustesse du modèle économique. Les secteurs que nous privilégions incluent les banques, les financières, la santé et, à la marge, l’automobile.

Sur le secteur de la défense, nous sommes plus prudents

Sur le secteur de la défense, nous sommes plus prudents. Les valorisations reflètent déjà largement les perspectives du secteur, et il s’agit d’un pari que beaucoup d’investisseurs ont déjà fait. De plus, les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance rendent chaque dossier complexe et demandent une analyse très détaillée. Nous ne prenons donc pas, par principe, de position forte sur l’ensemble du secteur de la défense.

Le secteur de la santé en Europe, très chahuté récemment, vous semble donc aujourd’hui attractif ?

 Nous considérons que le secteur de la santé en Europe offre aujourd’hui des points d’entrée intéressants

Oui, nous considérons que le secteur de la santé en Europe offre aujourd’hui des points d’entrée intéressants.
Ce secteur en particulier, nous semble offrir un bon compromis entre potentiel de croissance, visibilité relative et valorisations raisonnables.

Qu’en est-il des marchés émergents, et en particulier de l’Asie et de la Chine ?
En 2025, les marchés émergents – et en particulier l’Asie – ont bénéficié de deux éléments : la baisse du dollar et une forme de fuite devant certains actifs américains. Les investisseurs internationaux ont alors arbitré en faveur de l’Europe et des émergents.

Le principe de diversification reste essentiel 

La baisse du dollar a été un vent très favorable pour ces actifs émergents. En 2026, ce moteur sera moins puissant, comme il le sera aussi pour l’Europe, dès lors que le dollar se stabilise et que les États-Unis réaffirment leur puissance.
Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer aux marchés émergents. Le principe de diversification reste essentiel. Il faut continuer à jouer la thématique technologique dans les pays émergents, que ce soit en Corée, à Taïwan, ou en Chine, où l’on trouve, dossier par dossier, des valorisations parfois tout à fait raisonnables.

Il faut continuer à jouer la thématique technologique dans les pays émergents

Dans des portefeuilles globaux, le mot d’ordre reste donc de conserver une exposition aux pays émergents, notamment dans leur dimension technologique, tout en ayant conscience que le grand vent favorable observé en 2025 ne se renouvellera probablement pas dans les mêmes proportions en 2026.

Un mot de conclusion sur votre scénario d’ensemble pour 2026 ?
En résumé, nous avons probablement connu en 2025 un moment de basculement important, avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle et la rivalité stratégique entre la Chine et les États-Unis comme toile de fond.

Les marchés actions devraient afficher des performances globalement positives

Pour 2026, nous anticipons la poursuite d’investissements massifs, en particulier dans la technologie et l’intelligence artificielle, soutenus par un contexte géopolitique structurant et par une détente progressive des taux de la Réserve fédérale américaine.
Nous nous attendons à une croissance américaine autour de 2%, une croissance européenne proche de son potentiel, une stabilisation du dollar, une absence de crise de la dette américaine et des marchés actions qui devraient, malgré des phases de correction possibles – notamment sur la technologie – afficher des performances globalement positives.

Nous continuons de privilégier une exposition équilibrée

Dans ce cadre, nous continuons de privilégier une exposition équilibrée : technologie, mais sans excès, valeurs de rendement en Europe, sélection de dossiers de qualité dans les marchés émergents et une allocation obligataire qui inclut des maturités longues américaines, dans l’hypothèse d’une inflation maîtrisée et d’une Réserve fédérale dont l’indépendance et la crédibilité restent intactes.

AVERTISSEMENT 

Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Les valeurs citées sont données uniquement à titre d’exemple.
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Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances à venir.

Imen Hazgui