L’affaire Madoff
Le 12 décembre 2008, Bernard Madoff est arrêté par le FBI, révélant au grand public ce qui est probablement la plus grande fraude de tous les temps. Le montant même de la fraude n’est pas encore clair : on a parlé initialement de 50 milliards de dollars, mais la presse s’est faite écho de montants allant de 15 milliards de dollars à 65 milliards de dollars.
En quoi consistait le mécanisme frauduleux de B. Madoff ?
Le mécanisme de fraude mis en place par B. Madoff reposait sur un système dit «de cavalerie», encore appelé «vente pyramidale» ou «schéma de Ponzi». Ce mécanisme est extrêmement simple : les intérêts versés aux investisseurs existants du fond sont payés grâce aux capitaux investis par les investisseurs entrants.
Ce système a fonctionné pendant de nombreuses années pour les raisons suivantes :
- Tout système de cavalerie repose sur la capacité à attirer de nouveaux investisseurs et c’est la raison pour laquelle Madoff payait des rendements très élevés et ce, quelle que soit la configuration de marché.
- Par ailleurs, ce système repose sur la confiance, en l’occurrence la confiance inspirée par B. Madoff.
Cette confiance est liée à l’histoire de B. Madoff, qui est typique du «self-made man» américain. Il a créé en 1960, à 22 ans, une société de courtage avec 5 000$ en poche, Bernard L. Madoff Investment Securities LLC. Cette société est rapidement devenue une entreprise qui compte dans son secteur, bénéficiant notamment de l’intuition de B. Madoff quant à l’intérêt des marchés électroniques de cotation. C’est ainsi que B. Madoff fut un temps le président du conseil des directeurs du Nasdaq américain.
Ce n’est qu’une fois sa société de courtage bien établie que B. Madoff a profité de sa notoriété pour créer un fond d’investissement, qui s’est finalement avéré n’être qu’une fraude.
Pourquoi cette fraude a été découverte en décembre 2008 ?
Ainsi qu’on l'a expliqué, le système de cavalerie ne fonctionne que si de nouveaux investisseurs entrent dans le fond. Si au contraire les investisseurs décident de se retirer du fond et de racheter leurs parts, le fond n’a rapidement plus d’argent pour payer les «dividendes» attendus par les investisseurs et son gérant ne peut alors plus cacher la fraude.
Ainsi, B. Madoff a été en quelque sorte une «victime» collatérale de la faillite de Lehman Brothers (15 septembre 2008), qui a entraîné une crise de confiance majeure des investisseurs sur toutes les classes d’actifs. Même le fond de B. Madoff, qui offrait pourtant des rendements supérieurs à 10% l’an depuis plusieurs années, a dû faire face à un important mouvement de décollecte de la part des investisseurs. La fraude ne pouvait alors plus être masquée.
Pourquoi cette fraude n’a été découverte qu’en décembre 2008 ?
Plusieurs éléments expliquent que cette fraude n’est pas été découverte avant :
· B. Madoff inspirait une telle confiance que peu d’investisseurs se sont posés la question de savoir comment il pouvait assurer de tels rendements. B. Madoff lui-même n’était pas clair quant aux stratégies d’investissement qu’il mettait en place. Il laissait parfois subtilement comprendre qu’il pratiquait ce que l’on appelle le «front running» (pratique illégale), qui consiste à utiliser des informations obtenues dans le cadre de son activité de courtage pour son propre compte.
Ainsi, si un client de l’activité de courtage vous demande d’acheter 10 000 actions de la société X à tout prix, vous savez que le cours de l’action de cette société va monter. Avant de passer l’ordre de votre client (d’où le nom «front running», vous passez devant votre client), vous achetez de ces mêmes actions X pour votre propre compte, que vous pourrez rapidement revendre avec une plus-value.
· Le fond de Madoff était régulé par la SEC (Securities Exchange Commission) américaine, qui a réalisé de nombreux contrôles sur les pratiques de B. Madoff, sans réussir à découvrir ce qui apparaît aujourd’hui comme une fraude d’une ampleur inégalée.
Il se trouve que la nièce de B. Madoff était mariée à Eric Swanson, lui-même membre de la SEC. Il n’a pour l’instant pas été prouvé que ces liens aient pu jouer un rôle quelconque dans l’absence de découverte de la fraude.
· Enfin, le fond de B. Madoff n’était géré que par lui. Son auditeur était une société de 3 personnes seulement, dont un seul commissaire aux comptes actifs. Là encore, le procès à venir doit dire dans quelle mesure le commissaire aux comptes était complice ou non de la fraude.
Notons que des investisseurs extérieurs se sont méfiés de B. Madoff. En particulier, un autre gérant de hedge funds, Harry Markopolos, a envoyé un courrier à la SEC dès 1999, expliquant que les performances générées par B. Madoff étaient légalement et mathématiquement impossibles à obtenir. M. Markopolos évoque dans ce courrier la possibilité que le fond de B. Madoff ne soit qu’une vaste fraude.
Qui a été affecté par cette fraude ?
B. Madoff avait de nombreux clients à la fois chez les particuliers fortunés et parmi les grandes banques de la place.
Il n’est cependant pas simple de recenser la liste des victimes de Madoff, dans la mesure où une partie importante des capitaux investis dans son fond l’était par l’intermédiaire d’autres fonds (dits fonds nourriciers), dont l’unique objectif était de collecter de l’argent pour le placer chez Madoff. C’est notamment le cas de Fairfield Greenwich Advisors ou de Tremont Capital Management.
Par ailleurs, certaines banques ont investi à la fois pour leur propre compte et pour le compte de leurs clients, sans qu’elles précisent quelle est la part de l’un et de l’autre… ni leur volonté éventuelle de dédommager les clients.
De façon générale, de nombreuses grandes banques américaines, européennes et asiatiques ont été victimes de la fraude. Parmi les particuliers fortunés, on peut notamment citer Steven Spielberg, Elie Wiesel ou Liliane Bettencourt.