
François-Xavier Chauchat
Membre du comité d'investissement, économiste et stratégiste chez Dorval Asset Management
Perspectives pour les prochains mois : un cycle porteur mais semé de paradoxes
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Publié le 22 Septembre 2025
Malgré la volatilité récente, qu’est-ce qui a soutenu les marchés ces derniers temps ?
Deux piliers ont contribué à un véritable bull market ce premier semestre : la désinflation et la baisse des taux courts entamée en 2024, notamment de la BCE. À cela s’ajoutent le boom de l’intelligence artificielle aux Etats-Unis et le retour en grâce des valeurs financières après de longues années difficiles en Europe. Ces différents facteurs ont permis au marché, après une période de forte volatilité au printemps, de passer outre les craintes relatives aux tarifs douaniers imposés par l’administration de Donald Trump.
Quel regard portez-vous sur la forte baisse du dollar ?
Le dollar a reculé, parfois vite contre l’euro, mais il demeure cher en termes effectifs face à un panier large de devises. Et l’histoire moderne a déjà connu des phases de baisse du dollar plus marquées. Surtout, le mouvement actuel tient beaucoup à la confiance sapée des investisseurs dans les institutions américaines, avec des craintes au sujet de l’indépendance de la Réserve fédérale, et aux effets négatifs des droits de douane sur la croissance des Etats-Unis : ces éléments ont pesé sur le billet vert.
Sommes-nous entrés dans une tendance baissière structurelle du dollar ?
La probabilité d’une baisse prolongée est significative : en termes réels et pondérés du commerce, le dollar reste cher. Il avait beaucoup monté entre 2014 et fin 2024, de presque de 30%. Cela plaide pour un biais baissier à moyen terme, même si, à court terme, une partie des facteurs négatifs semble bien intégrée dans les prix.
Visez-vous une parité euro/dollar à l’horizon 6–12 mois ?
La réaction de la BCE sera clé : si l’euro s’apprécie trop vite, la BCE pourrait en tenir compte pour éviter un choc désinflationniste excessif en zone euro. Il a été évoqué qu’un niveau de 1.20-1.25 serait suffisant pour activer une réaction sur le rythme des baisses de taux.
Votre scénario central pour les prochains mois ?
Une croissance mondiale correcte et mieux répartie qu’en 2023 et 2024 (États-Unis un peu moins dominants, davantage d’espoir en Europe avec le plan de relance allemand, Chine plus incertaine mais potentiellement stimulée pour atteindre 5% de croissance). Côté banques centrales, la baisse des taux courts se prolonge au moins aux États-Unis par la Fed, ce qui offre un environnement porteur y compris pour les pays émergents.
Cet environnement de croissance globale “suffisante” d’environ 3,0% combinée à une poursuite de la détente monétaire devrait continuer à soutenir les actifs risqués.
Assiste-t-on à un vrai retour de la “value” ?
Au niveau mondial, non. Aux États-Unis, le marché reste tiré par les valeurs de croissance (IA, méga-caps).
En Europe, en revanche il y a une impression d’un retour de la value, car les financières — compartiment plutôt “value” — ont fortement surperformé après des années de sous-rendement, portées par un environnement redevenu normal (profitabilité, solvabilité) alors de l’autre côté des secteurs de croissance traditionnels comme le luxe ont significativement sous performé en raison de problèmes structurels.
Cette concentration des performances peut-elle durer ?
Cette concentration est forte depuis début 2023 (croissance/IA aux US ; financières en Europe). De notre côté, nous privilégions des portefeuilles plus équilibrés et restons attentifs à d’autres thèmes, notamment les valeurs domestiques européennes et les small/mid caps, qui pourraient bénéficier de la baisse du dollar, de la montée de l’euro, d’un contexte de crédit plus porteur (avec des taux courts faibles et des taux longs plus élevés) et de flux vers l’Europe.
Justement, quelle est votre vue sur les small & mid caps européennes ?
Comme évoqué, le segment est intéressant, surtout dans les thématiques domestiques : défense, construction, infrastructures (plan allemand), foncières sélectionnées, et tout l’écosystème qui profite d’un coût du capital en baisse. L’univers d’investissement y est large et profond.
Comment structureriez-vous aujourd’hui un fonds diversifié ?
Depuis 2021, nos fonds diversifiés n’étaient pas investis dans les obligations car les taux étaient d’abord négatifs puis ont commencé à monter entrainant une baisse des prix des obligations.
Depuis début 2025, nous “normalisons” notre allocation en réintroduisant progressivement des obligations souveraines (durée 2–8 ans) pour capter du rendement supérieur au monétaire, 3,5% contre 2%. Le mix devient Actions / Obligations souveraines / Cash, avec une montée graduelle de la poche obligataire.
— Crédit d’entreprise : nous n’en faisons pas (risque crédit assumé via les actions plutôt que via les obligations corporate).
— Couvertures : principalement des protections optionnelles tactiques, calibrées (plutôt que des couvertures directionnelles lourdes), et un peu de yen.
Quels sont les principaux risques que vous surveillez de près ?
Nous avons une idée assez positive du cycle financier en Europe, mais cela n’est pas sans obstacles : la BCE a arrêté sa baisse de taux, la France, deuxième économie européenne est un point d’attention, même si les améliorations en Espagne/Portugal/Italie compensent partiellement à l’échelle de la zone. Cela peut saper la confiance des investisseurs internationaux.
Exubérance des flux retail : la concentration sur quelques thèmes/titres peut créer des excès.
États-Unis – marché du travail : un refroidissement trop brutal serait problématique, même si la Fed a des marges d’action.
Chine : reprise boursière pilotée par les autorités. L’élan chinois participe à l’appétit global pour le risque… ce qui pose aussi la question de la soutenabilité de la hausse des marchés.
Pour vous le contexte actuel se caractérise par beaucoup de paradoxes ?
Les investisseurs se méfient de la Chine mais on relève un boom de la bourse chinoise tiré par les achats domestiques, les investisseurs se méfient de la baisse du dollar mais on observe toujours un afflux massif vers les actions américaines, une défiance est affichée à l’égard de l’Europe mais les actions européennes sont massivement souscrites.
AVERTISSEMENT
Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Les valeurs citées sont données uniquement à titre d’exemple.
Ni Easybourse ni Dorval AM ne sauraient être tenus responsables d'une décision d'investissement ou de désinvestissement sur la base de cet article. Le placement en bourse est soumis aux fluctuations et aux aléas des marchés financiers. Il comporte un risque de perte en capital.
Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances à venir.
Deux piliers ont contribué à un véritable bull market ce premier semestre : la désinflation et la baisse des taux courts entamée en 2024, notamment de la BCE. À cela s’ajoutent le boom de l’intelligence artificielle aux Etats-Unis et le retour en grâce des valeurs financières après de longues années difficiles en Europe. Ces différents facteurs ont permis au marché, après une période de forte volatilité au printemps, de passer outre les craintes relatives aux tarifs douaniers imposés par l’administration de Donald Trump.
Quel regard portez-vous sur la forte baisse du dollar ?
Le dollar a reculé, parfois vite contre l’euro, mais il demeure cher en termes effectifs face à un panier large de devises. Et l’histoire moderne a déjà connu des phases de baisse du dollar plus marquées. Surtout, le mouvement actuel tient beaucoup à la confiance sapée des investisseurs dans les institutions américaines, avec des craintes au sujet de l’indépendance de la Réserve fédérale, et aux effets négatifs des droits de douane sur la croissance des Etats-Unis : ces éléments ont pesé sur le billet vert.
Sommes-nous entrés dans une tendance baissière structurelle du dollar ?
La probabilité d’une baisse prolongée est significative : en termes réels et pondérés du commerce, le dollar reste cher. Il avait beaucoup monté entre 2014 et fin 2024, de presque de 30%. Cela plaide pour un biais baissier à moyen terme, même si, à court terme, une partie des facteurs négatifs semble bien intégrée dans les prix.
Visez-vous une parité euro/dollar à l’horizon 6–12 mois ?
La réaction de la BCE sera clé : si l’euro s’apprécie trop vite, la BCE pourrait en tenir compte pour éviter un choc désinflationniste excessif en zone euro. Il a été évoqué qu’un niveau de 1.20-1.25 serait suffisant pour activer une réaction sur le rythme des baisses de taux.
Votre scénario central pour les prochains mois ?
Une croissance mondiale correcte et mieux répartie qu’en 2023 et 2024 (États-Unis un peu moins dominants, davantage d’espoir en Europe avec le plan de relance allemand, Chine plus incertaine mais potentiellement stimulée pour atteindre 5% de croissance). Côté banques centrales, la baisse des taux courts se prolonge au moins aux États-Unis par la Fed, ce qui offre un environnement porteur y compris pour les pays émergents.
Cet environnement de croissance globale “suffisante” d’environ 3,0% combinée à une poursuite de la détente monétaire devrait continuer à soutenir les actifs risqués.
Assiste-t-on à un vrai retour de la “value” ?
Au niveau mondial, non. Aux États-Unis, le marché reste tiré par les valeurs de croissance (IA, méga-caps).
En Europe, en revanche il y a une impression d’un retour de la value, car les financières — compartiment plutôt “value” — ont fortement surperformé après des années de sous-rendement, portées par un environnement redevenu normal (profitabilité, solvabilité) alors de l’autre côté des secteurs de croissance traditionnels comme le luxe ont significativement sous performé en raison de problèmes structurels.
Cette concentration des performances peut-elle durer ?
Cette concentration est forte depuis début 2023 (croissance/IA aux US ; financières en Europe). De notre côté, nous privilégions des portefeuilles plus équilibrés et restons attentifs à d’autres thèmes, notamment les valeurs domestiques européennes et les small/mid caps, qui pourraient bénéficier de la baisse du dollar, de la montée de l’euro, d’un contexte de crédit plus porteur (avec des taux courts faibles et des taux longs plus élevés) et de flux vers l’Europe.
Justement, quelle est votre vue sur les small & mid caps européennes ?
Comme évoqué, le segment est intéressant, surtout dans les thématiques domestiques : défense, construction, infrastructures (plan allemand), foncières sélectionnées, et tout l’écosystème qui profite d’un coût du capital en baisse. L’univers d’investissement y est large et profond.
Comment structureriez-vous aujourd’hui un fonds diversifié ?
Depuis 2021, nos fonds diversifiés n’étaient pas investis dans les obligations car les taux étaient d’abord négatifs puis ont commencé à monter entrainant une baisse des prix des obligations.
Depuis début 2025, nous “normalisons” notre allocation en réintroduisant progressivement des obligations souveraines (durée 2–8 ans) pour capter du rendement supérieur au monétaire, 3,5% contre 2%. Le mix devient Actions / Obligations souveraines / Cash, avec une montée graduelle de la poche obligataire.
— Crédit d’entreprise : nous n’en faisons pas (risque crédit assumé via les actions plutôt que via les obligations corporate).
— Couvertures : principalement des protections optionnelles tactiques, calibrées (plutôt que des couvertures directionnelles lourdes), et un peu de yen.
Quels sont les principaux risques que vous surveillez de près ?
Nous avons une idée assez positive du cycle financier en Europe, mais cela n’est pas sans obstacles : la BCE a arrêté sa baisse de taux, la France, deuxième économie européenne est un point d’attention, même si les améliorations en Espagne/Portugal/Italie compensent partiellement à l’échelle de la zone. Cela peut saper la confiance des investisseurs internationaux.
Exubérance des flux retail : la concentration sur quelques thèmes/titres peut créer des excès.
États-Unis – marché du travail : un refroidissement trop brutal serait problématique, même si la Fed a des marges d’action.
Chine : reprise boursière pilotée par les autorités. L’élan chinois participe à l’appétit global pour le risque… ce qui pose aussi la question de la soutenabilité de la hausse des marchés.
Pour vous le contexte actuel se caractérise par beaucoup de paradoxes ?
Les investisseurs se méfient de la Chine mais on relève un boom de la bourse chinoise tiré par les achats domestiques, les investisseurs se méfient de la baisse du dollar mais on observe toujours un afflux massif vers les actions américaines, une défiance est affichée à l’égard de l’Europe mais les actions européennes sont massivement souscrites.

Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Les valeurs citées sont données uniquement à titre d’exemple.
Ni Easybourse ni Dorval AM ne sauraient être tenus responsables d'une décision d'investissement ou de désinvestissement sur la base de cet article. Le placement en bourse est soumis aux fluctuations et aux aléas des marchés financiers. Il comporte un risque de perte en capital.
Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances à venir.
Imen Hazgui