Quel regard porter sur l’évolution des marchés financiers à ce stade ?
Toutes les classes d’actifs délivrent des performances honorables à deux chiffres depuis le début de l’année. Les actions portées à la fois par le revirement des banques centrales et la forte baisse des taux longs ont réussi en partie à récupérer le terrain perdu lors de la correction de mai et juin derniers. L’indice MSCI World a pu grimpé de 20%. 



D’un point de vue géographique…
Sans surprise le marché actions US caracole en tête loin devant les autres marchés actions des pays développés, porté par une meilleure dynamique macroéconomique et microéconomique, et soutenu par le revirement de la banque centrale, qui a amorcé une première baisse des taux en juillet dernier. Le marché américain se traite désormais sur des niveaux de ratio Prix/Bénéfices (PER) de 20,3 fois pour 2019 en hausse de plus de 3 points par rapport à fin 2018.

A l’inverse, les actions émergentes quant à elles ont été à nouveau pénalisées par deux éléments : le ralentissement de la croissance économique mondiale en raison des tensions commerciales et l’appréciation du dollar. Le marché japonais est quant à lui impacté par une microéconomie très défavorable et par le ralentissement des échanges commerciaux dans la zone asiatique malgré une demande domestique qui tient bon.

D’un point de vue sectoriel…
Les valeurs technologiques ont contribué amplement à la hausse du marché américain et notamment depuis 2017. Entre 2017 et 2019, les valeurs technologiques ont surperformé l’indice S&P500 9 trimestres sur 10. Cela s’explique en grande partie par des taux de croissance des revenus et des bénéfices largement supérieurs à ceux des autres secteurs. L’indice des valeurs technologiques flirte encore avec ses plus hauts historiques en restant indifférent à ces révisions baissières induites par le déclenchement de la guerre commerciale et le ralentissement significatif du commerce mondial.



Petites et moyennes capitalisations versus grandes capitalisations ?

Les petites et moyennes capitalisations sont à la traine depuis le début de l’année que ce soit aux États-Unis ou en Europe. Une situation qui n’est pas surprenante : cette classe d’actifs a tendance à avoir des difficultés en relatif par rapport aux grandes capitalisations lorsque les rendements déclinent et en phase de ralentissement économique.

Valeurs de croissance versus valeurs décotées ?

La sous-performance des valeurs décotées par rapport aux valeurs de croissance est manifeste.
Le différentiel de valorisation a atteint un niveau extrême.

Depuis quelques jours a été observé une rotation de style significative.
Les valeurs de qualité ont perdu 10% en trois jours et les valeurs décotées ont récupéré du même ordre. Certains investisseurs ont souhaité protéger leur performance acquise. Les taux obligataires ont quelque peu remonté.

En l’état actuel des choses, cette rotation pourrait se poursuivre tactiquement avec l’appui du secteur bancaire. Le price to book de la plupart des banques européennes est de 0,4/0,5, un niveau extrêmement bas comparable à celui de 2007-2008. Le rendement est relativement élevé.
Mais il n’est pas certain qu’il en soit de même sur un plan stratégique. D’une part, la conjoncture économique se dégrade. Il n’est pas acquis que les taux obligataires continuent à progresser. Par ailleurs, le secteur bancaire demeure confronté à de réels problèmes de rentabilité dont la plupart restent encore sans solution.



Quid de la sphère obligataire ?

Le crédit de bonne qualité a sensiblement progressé également soutenu par la forte baisse des taux d’emprunts d’État notamment sur les maturités longues. Les indices obligataires souverains ont fait jeux égal avec le crédit High Yield avec des performances de plus de 10% en moyenne depuis le début de l’année.

Plus précisément du côté des emprunts d’État…

Les rendements obligataires se sont littéralement effondrés partout avec une baisse de plus de 50 pbs pour le 10 ans américain au cours du seul mois d’août suite à l’escalade des tensions commerciales et aux inquiétudes croissantes sur une récession éventuelle à venir. Un mouvement singulier qui ne s’était pas dessiné depuis plus de 30 ans.

Le 10 ans allemand s’est enfoncé quant à lui très clairement en territoire négatif ayant touché au plus bas - 0,72%.

Les pays périphériques de la zone euro n’ont pas été en reste. Le 10 ans italien a baissé de plus de 200 pbs par rapport à son plus haut de l’année au mois de février 2019 après que le pays ait évité de nouvelles élections législatives, qui auraient porté au pouvoir une coalition peu regardante sur les équilibres financiers.


Le stock de dettes à rendement négatif n’a jamais été aussi élevé...

Les seuls taux longs encore en territoire positif se font rares : Canada, États-Unis, Norvège et certains pays asiatiques à l’exception du Japon.
Les taux longs américains apparaissent en conséquence très attractifs en absolu et sur une base non couverte. C’est une des explications à la hausse du dollar de 5% en moyenne depuis janvier.
La forte baisse des taux courts associée à un interventionnisme en direct sur la partie longue de la courbe avec la politique du « Quantitative Easing » par les grandes banques centrales a conduit à une inversion de la courbe des taux. En principe, cette inversion survient après une hausse des taux courts initiée par la banque centrale afin de contenir une croissance ou une inflation excessives. La situation d’aujourd’hui est inédite.

Sur le front des obligations d’entreprises…

Les spreads de crédit se sont bien comportés, se rapprochant de leur plus bas de 2007. 95 % de toutes les obligations d'entreprises de bonne qualité dans le monde ayant un rendement positif se situent aujourd’hui aux États-Unis. Par ailleurs la moyenne des obligations de sociétés de bonne qualité à l'extérieur des États-Unis a maintenant un rendement en territoire négatif.
Le marché primaire est resté très dynamique. Les volumes s’établissent en hausse de 14% depuis le début de l’année, à 540 milliards d’euros. Au sein des financières, l’augmentation est de 9% grâce à la reprise des émissions covered bonds. Du côté des entreprises, la variation enregistrée est de +19% soutenue par les mesures attendues de la BCE en Europe et un change favorable aux Etats-Unis.

De nombreuses émissions sont parvenues à se faire avec des taux de rendement négatifs. Ainsi, Siemens (A1/A+) a émis le 27 août avec un rendement de -0,207%. E.on SE (BBB/Baa2) a émis le 21 août avec un rendement de -0,149%.

Les perspectives entrevues incitent à la prudence sur le marché actions en particulier ?

Un facteur clé à considérer pour les perspectives d’évolution réside dans la variation des bénéfices des entreprises. Pour l’heure, les résultats d’entreprises meilleurs que prévu pour ce deuxième trimestre ne se sont pas traduits par une amélioration des perspectives sur les bénéfices fin 2019. . A titre d’exemple la croissance estimée des bénéfices des entreprises aux États-Unis a été ramenée de +7,5% à juste 2%.
Tout espoir de reprise a été largement repoussé à 2020. Les anticipations de croissance de bénéfice pour l’année prochaine semblent trop optimistes dans un contexte marqué par une guerre commerciale, un éventuel Brexit dur, des incertitudes italiennes, des risques géopolitiques, une industrie allemande en panne de commande, des marchés émergents touchés par la faiblesse de l’activité chinoise.
Il est difficile de concevoir que les résultats des entreprises seront effectivement au rendez-vous. Un choc des profits n’est pas à exclure dans les mois à venir au premier trimestre 2020 une fois que seront dévoilés les chiffres du quatrième trimestre 2019.

Les résultats du troisième trimestre devraient d’ores et déjà être un révélateur réel de la santé des entreprises.

Ne pas être investi est un non choix face à la faiblesse des rendements sans risque...

Jusque-là, les investisseurs ont profité du rebond des actifs risqués après la correction de mai pour désensibiliser leurs portefeuilles et se positionner sur des stratégies plus défensives en augmentant notamment assez sensiblement la part du cash. La stratégie de désengagement des actions est générale et touche toutes les zones géographiques à l’exception du Japon où la banque centrale poursuit ses achats d’ETF actions.

Toutefois, l’attrait pour le rendement des actions se renforce sur la majorité des places boursières après la forte baisse des taux d’emprunts d’État principalement sur les maturités longues en dépit d’une prime de risque qui reste à un niveau qui historiquement correspond à des périodes de récession notamment au cours des années 70 et 80.
Les actions apparaissent comme une alternative à la recherche de rendement que ce soit aux États-Unis ou en Europe avec des rendements sur dividendes attendus de 2,1% et 3,5% respectivement largement supérieurs notamment en Europe au rendement obligataire.



Qu’en est-il de l’allocation actuelle ?

L’exposition au risque se veut équilibrée face à une situation commerciale toujours tendue entre les États-Unis et la Chine, face à des indicateurs d’activité qui se dégradent, face à une inversion de la courbe des taux et face à des attentes potentiellement trop élevées des marchés sur l’action de la Fed et de la BCE.
Des stratégies de couverture telles que l’or, le yen sont jugées nécessaires à ce stade afin de pouvoir amortir les regains de volatilité et les turbulences occasionnées par les incertitudes politiques et macroéconomiques.
Le positionnement sur les actions se veut en retrait avec une préférence donnée aux positions optionnelles pour tirer parti de la normalisation du niveau de volatilité.
La sensibilité obligataire des portefeuilles est maintenue pour le moment à son niveau actuel et devrait demeurer ainsi à horizon de fin d’année. La corrélation actions - obligations toujours négative est de nature à permettre d’offrir un coussin supplémentaire de protection en cas de matérialisation du scénario des tensions commerciales.
En termes de diversification, une exposition au High Yield et à la dette émergente est avancée (portage) tant que l’économie mondiale ne montre pas des signes avant-coureurs d’une récession imminente.

Que suppose une réallocation plus marquée en faveur des actifs risqués ?

Une réallocation plus marquée en faveur des actifs risqués requiert soit une correction notable de leurs valorisations, soit une amélioration des anticipations de croissance mondiale, dont la clé est sans doute un hypothétique passage de relai entre des politiques monétaires devenues peu efficaces, vers une approche de soutien budgétaire coordonnée.