Le point de vue de LBPAM après les annonces de la BCE
(Easybourse.com) Les analystes de LBPAM reviennent sur les décisions de la BCE etf ont un point sur les marchés.
Un assouplissement de politique monétaire et réglementaire
La BCE a annoncé aujourd’hui un ensemble de mesures monétaires : 120 milliards de QE additionnel d’ici la fin de l’année, des opérations de repo de long terme (TLTRO) pour fournir de la liquidité aux banques. De plus, un net assouplissement réglementaire doit permettre aux banques d’accorder plus de crédits à l’économie, en particulier aux PME.
Cette dernière mesure, si elle ne constitue pas une surprise majeure, est plus inattendue. Au total, la BCE n’a pas annoncé de « bazooka » et n’a pas vraiment surpris les attentes. Le marché s’est montré très déçu, avec en plus une conférence de presse qui n’a pas été conforme aux attentes. Elle se dote toutefois d’un arsenal conséquent, l’augmentation du QE peut permettre de stabiliser les marchés alors que l’aide aux banques peut permettre d’éviter un « credit crunch ».
A court terme, la volatilité sur le marché devrait rester très élevée. A moyen terme, l’accumulation de mesures monétaires, réglementaires et budgétaires dans divers pays devrait finir par payer et l’économie par se redresser. Les valorisations seraient alors clairement trop pessimistes et le rebond de marché pourrait être rapide.
Evènement : la BCE annonce un ensemble de mesures
QE : une enveloppe additionnelle de 120 milliards d’euros a été annoncée sur l’année, elle s’ajoute aux 20 milliards mensuels du programme existant. Deux points doivent être soulignés : d’une part, aucun agenda n’a été donné, la BCE peut donc augmenter ses achats lors de pic de stress de marché. D’autre part, Christine Lagarde a dit que la BCE utiliserait « toute la flexibilité » possible dans la mise en place du QE, même si le portefeuille devra, en fin de programme, refléter les capital keys de la BCE. C’est la première fois que la BCE indique, certes implicitement, qu’elle pourrait s’affranchir des règles d’allocation par pays.
LTRO : en attendant le nouveau TLTRO de juin, la BCE s’engage à effectuer des opérations de LTRO jusqu’à cette date à des conditions très favorables.
TLTRO : le taux du TLTRO sera de 25 pdb au-dessous du taux de repo (soit -0,25%) et pourra être réduit à 25pdb au-dessous du taux de dépôt (soit -0,75%) en cas de maintien des prêts aux PME, alors que les conditions favorables ne s’appliquaient qu’aux banques qui augmentaient leur portefeuille de prêts de 2,5%. L’idée est bien évidemment de donner des conditions extrêmement avantageuses aux banques qui maintiennent leur soutien aux PME.
Changement réglementaire : de manière temporaire les règles prudentielles réglementaires seront assouplies avec en particulier la capacité à abaisser le Capital Conservation Buffer pour augmenter les prêts à l’économie.
Interprétation : une stratégie qui vise plusieurs objectifs
Le marché s’est montré extrêmement déçu par les annonces. La conférence de presse a aussi été en deça des attentes avec des propos malheureux.
La stratégie de la BCE est d’assurer la liquidité sur les marchés, d’où l’augmentation du QE. La taille annoncée est suffisante, si elle est utilisée de manière idoine.
Il faut se souvenir que les quatre cinquième du financement des entreprises viennent de prêts bancaires, la stabilité des marchés n’est donc pas suffisante. Il est fondamental de garder le crédit bancaire ouvert. C’est la raison des opérations de TLTRO ciblées sur les PME et de l’assouplissement de la réglementation.
A surveiller
1) La mise en place des facilités additionnelles de QE : l’idée d’annoncer une augmentation du QE sans annoncer d’échéancier précis est bonne. Elle laisse de la flexibilité à la BCE et fait porter un risque aux intervenants de marché qui joueraient la baisse de manière trop agressive.
2) Réaction des banques : Stéphane Herndl, analyste crédit chez LBPAM, estime que ces mesures annoncées pourraient « libérer » plus de 300 milliards de capital réglementaire. Avec des hypothèses conservatrices, ce capital pourrait financer par effet de levier jusqu’à 3 000 milliards d’euros de prêts à l’économie. Le risque est évidement que les banques ne souhaitent pas jouer le jeu et prendre des risques sur leur actif. L’ajout de garanties publiques sur ces prêts constituerait une aide très importante.
3) La réaction de politique budgétaire : l’Italie a annoncé des mesures budgétaires de 28 milliards d’euros ; la Commission Européenne a indiqué que les critères de déficits seraient suspendus ; en Allemagne à la fois Merkel mais aussi Weidmann le président de la Bundesbank ont parlé d’assouplissement fiscal. La capacité de la BCE à lutter contre le ralentissement économique est limitée, la partie budgétaire est fondamentale, des progrès dans ce domaine changeraient la donne.
Conclusions d’investissement:
Manque total de visibilité à court terme. Avec des marchés extrêmement volatiles, une réponse de politique économique incomplète et qui souffre d’un manque de coordination internationale, et enfin une évolution imprévisible de la pandémie : la volatilité sur les marchés restera très élevée à court terme.
Un retournement à moyen terme ? les décisions de la BCE, si l’on oublie la réaction de marché aujourd’hui et la communication décevante de Christine Lagarde, ne sont finalement pas si éloignées des attentes du marché. Elles s’ajoutent à plusieurs avancées fiscales. Elles suivent aussi la décision de la BoE hier et le mouvement d’assouplissement monétaire global en cours. Au total, même si la réponse se fait à petits pas, l’ensemble de ces réponses devrait finir par créer une masse critique. Nous pensons toujours que l’économie pourrait se retourner.
Dans ce cas, les marchés pourraient eux-aussi se retourner rapidement car les valorisations sont maintenant cohérentes avec un scénario de crise. Il convient toutefois d’être très sélectif, certains secteurs, l’aéronautique par exemple, sont trop impactés pour fournir une opportunité d’investissement décente.
o Deux vues : la vue alternative serait que la détérioration des marchés ait un impact sur l’économie et que l’on rentre dans un cercle vicieux. Ce scénario est bien sûr plausible mais ce n’est pas notre scénario central.
EASYBOURSE
Publié le 13 Mars 2020