Activisme des actionnaires, des salariés, des clients : la Raison d'être comme solution. (Événement Comgest)
(Easybourse.com) Jeudi 19 Septembre, la société Comgest organisait une rencontre avec ses investisseurs afin de parler d'Investissement Responsable. L'occasion pour les intervenants, Sébastien Thevoux-Chabuel et Yann Gerain, tous deux analyste ESG d'évoquer deux sujets phares. Tout d'abord l'émergence de deux grandes mégatendances autour de la Responsabilité des entreprises : l'activisme protéiforme et l'invocation de la raison d'être. Par ailleurs, il a été fait mention des points essentiels soulevés lors de la conférence des PRI (Principles for Responsible Investment) qui s'est tenue à Paris au début du mois. EasyBourse vous livre dans deux papiers, les messages véhiculés.
On observe en rapport avec l’Investissement socialement responsable plusieurs mégatendances. L’une d’entre elles est l’explosion de l’activisme.
Aujourd’hui, aucune entreprise ne peut se sentir invulnérable. C’est ainsi que dernièrement AT&T a fait l’objet d’une campagne d’Elliott ou encore que Nestlé a été rappelé à l’ordre par Third Point.
Cet essor de l’activisme actionnarial a entraîné un fort mouvement de lobbying de la part du patronat français ce printemps auprès de l’Assemblée nationale et autres cercles politiques afin d’édicter une législation le réduisant à une peau de chagrin.
capitalisation boursière
Si au cours du premier semestre 2019, les entreprises, notamment américaines, ont surtout été interrogées sur ce qu’elles font précisément en termes de donation aux partis politiques ou en termes de lobbying, les questions relatives à la protection du climat, aux disparités salariales entre hommes et femmes ou encore aux droits humains ont également été beaucoup mises sur la table.
La société Starbucks a par exemple vu une résolution être déposée concernant l’utilisation du plastique au sein de ses établissements.
Un élément d’explication peut être avancé dans la réglementation Dodd-Frank aux Etats-Unis ou la Directive sur les droits des actionnaires en Europe. Ces dernières requièrent de la part des investisseurs de voter le plus largement possible et de rendre publique leur décision de vote.
Dernièrement sur les 98 000 salariés de Google, 10% ont décidé de manifester contre la gestion par l’entreprise de certains sujets éthiques comme le harcèlement. Pour une société qui dépend beaucoup de sa marque employeur et de sa capacité à recruter des talents, de telles manifestations peuvent s’avérer préoccupants. Microsoft et Salesforce ont également été amenés à connaitre des mouvements de mécontentement de la part de leurs salariés. Amazon a vu 8000 salariés déposer une résolution lors de sa dernière Assemblée générale demandant à la société de faire faire face à ses responsabilités sur le front climatique.
Un activisme de clients a pu être observé avec Gucci, dont la capitalisation boursière a fondu de 5 milliards d’euros le 26 juillet dernier à la suite d’un dérapage pointé du doigt dans le cadre d’une de ses campagnes publicitaires qui a amené le taux de croissance de l’entreprise aux Etats-Unis à décliner de 40% à -2%.
La société civile a fait grand bruit à l’occasion du dernier Salon automobile de Francfort. 20 000 cyclistes ont perturbé le déroulement de cet évènement avec des slogans bien choisis.
En résumé, l’entreprise est prise d’assaut par plusieurs parties prenantes. Et face à la montée de ces pressions significatives, une parade a été trouvée dans la rechercher d’une légitimité à travers la notion de raison d’être…
C’est clairement une autre mégatendance qui se dessine pour mettre en exergue la substance, l’âme d’une entreprise, et apaiser les protestataires.
Les rapports RSE (Responsabilité Sociale d'Entreprise) ne suffisant plus.
La raison d’être est exploitée par les entreprises de manière très différente. Ainsi, dans une déclaration de la Business Roudtable, un lobby conservateur des dirigeants des grandes entreprises américaines, 181 entités se sont engagées à poursuivre d’autres finalités que de servir les intérêts des actionnaires. Les réactions de la presse économique et financière à cette déclaration ont été très critiques. Beaucoup y ont vu une fuite en avant et une volonté de s’affranchir de toutes responsabilités à l’égard des parties prenantes et des actionnaires. Ces critiques ont été exacerbées par le fait que parmi ces 181 sociétés, certaines comme ExxonMobil -qui assurait avoir à cœur la protection de l’environnement -n’étaient pas vraiment crédibles.
En France, la notion de raison d’être a été inscrite dans le marbre par le biais de la Loi Pacte. Certaines entreprises s’en sont emparées et l’ont inscrite dans leurs statuts à l’instar d’Atos. La description donnée par cette société de sa raison d’être n’a eu pour beaucoup d’observateurs aucun sens, très éloignée de ce que la société a toujours été et n’éclairant aucunement sur ce qu’elle pourrait devenir.
En revanche, une société qui n’a pas attendu la Loi Pacte pour faire valoir sa raison d’être est Essilor avec son slogan « améliorer la vie en améliorant la vue » inscrit dans une action autour des clients, bâti sur un historique d’une grande cohérence et légitimé par la stratégie commerciale et la stratégie innovation.
Vote des grands gestionnaires d'actifs dans 8 résolutions sur le changement climatique les plus soutenues
A lire également le second papier intitulé : "Investissement Responsable : que retenir de la conférence des PRI de début septembre à Paris ?"
Imen Hazgui
Publié le 26 Septembre 2019