Barnard MAROIS

Bernard Marois
Président d'honneur

Diplômé d'HEC, MBA de l'Université Columbia de New-York et docteur en sciences de gestion. Il est actuellement professeur au Groupe HEC.

Il a publié de nombreux ouvrages et écrit régulièrement dans des revues spécialisées.

Il est spécialiste de finance internationale et consultant auprès de grandes banques.

ERRARE HUMANUM EST, PERSEVERARE DIABOLICUM

publié Mercredi 16 Octobre 2013

Ce vieux dicton latin, qui signifie : « se tromper est humain, mais persévérer dans l’erreur est diabolique » peut s’appliquer parfaitement à la politique économique de la France menée par l’actuel gouvernement. Deux exemples parmi d’autres : on annonce « une baisse » des dépenses publiques, mais il s’agit en fait d’une hausse, (mais moins importante que lors des années précédentes), de ces dites dépenses, qui explique pourquoi la part des dépenses publiques dans le PIB continue à augmenter pour atteindre 57 % à la fin de 2013, record absolu pour les pays industrialisés. Autre mensonge : l’annonce d’une pause fiscale pour les entreprises, démentie par le projet de taxe sur l’E.B.E. (Excédent Brut d’Exploitation) particulièrement stupide puisqu’il consiste à taxer le plus lourdement les entreprises qui investissent . Face à la stupidité d’un tel impôt, le projet a été rapidement retiré, mais serait remplacé par une surtaxe « temporaire » (soi-disant) de l’impôt des sociétés, qui est déjà le plus élevé des pays industrialisés, à un moment où nos concurrents baissent le leur !

Compte tenu de ces décisions, le déficit public français atteindra 4,1 % à la fin de 2013, ce qui nous amènera à emprunter 100 milliards d’euros supplémentaires sur les marchés, entraînant par là-même notre taux d’endettement au-delà de 95 % du PIB à la fin de 2014. Parallèlement, le gouvernement annonce une croissance de 0,5 % au deuxième trimestre 2013 ; mais dans le même temps, on constate une destruction de 28 000 emplois ! En fait, il s’agit d’une croissance « en trompe l’œil » due à une « production accrue du secteur public », à un certain restockage des entreprises et à une consommation d’énergie supplémentaire provoquée par un printemps rigoureux. En outre, des radiations opportunes de chômeurs de longue durée et « un bug » dans l’appareil statistique (Pole-Emploi) ont permis d’alléger le nombre de demandeurs d’emploi.

Conséquence : tous les voyants sont dans le rouge. Ainsi, le déficit commercial ne se résorbe pas, en raison du manque de compétitivité des entreprises françaises . La situation financière de celles-ci reste très médiocre : 28% de taux de marge, le plus bas niveau depuis 1985 ; 66 % de taux d’autofinancement au lieu de 88 % en 2000 ; une hausse des faillites de 4 % chez les PME, au cours de ces douze derniers mois . Les derniers chiffres sont encore plus inquiétants, en ce qui concerne nos exportations, en baisse de 2 % au premier semestre de l’année. Cela explique nos mauvaises performances globales : notre balance courante présente un déficit de 2,8 % du PIB, alors que l’Allemagne dégage un excédent de 7,4 % et que nos deux autres principaux concurrents de la zone euro, l’Espagne et l’Italie, ont réalisé des exploits en quelques années : les Espagnols qui souffraient d’un déficit abyssal de 10,8 % du PIB en 2008 ont atteint un excédent de 0,8 % en 2013 et les Italiens qui présentaient un déficit de 3,8 % fin 2011 ont basculé vers un excédent de 0,7 % pour 2013. Là encore, il faudra financer notre déficit courant en empruntant sur les marchés (cf. mon précédent article sur « la France et ses deux déficits »).

Pour bien comprendre cette propension à persévérer dans nos erreurs, il faut faire un peu de sociologie. Pratiquement tous nos ministres et 60 % de l’Assemblée Nationale sont issus du secteur public. Beaucoup d’entre eux ont assuré des fonctions importantes dans des collectivités locales (mairies, Conseils Généraux, Conseils Régionaux etc…), où la pratique consiste à, d’abord identifier les investissements futurs et donc les dépenses y afférent et ensuite envisager les modes de financement, relativement ajustables, puisqu’il suffit d’augmenter les impôts pour rééquilibrer un budget sans avoir à demander l’avis des « contribuables » (les citoyens). C’est exactement à l’opposé du monde de l’entreprise, où on s’efforce d’assurer des revenus récurrents, avant de lancer de nouveaux investissements et où il est impossible d’accroître les revenus ad libitum , en ajustant les prix de vente (les clients ne l’accepteraient certainement pas).

Pour terminer, on peut souligner que le problème de la France, c’est d’être gouvernée en majorité par « des fonctionnaires » (donc à l’emploi garanti). Leur préoccupation principale, c’est l’Etat et pas le monde de l’entreprise (qui assure l’essentiel de la « production » nationale). Les notions de « rentabilité », « d’innovation », de « concurrence internationale » leur sont totalement étrangères, de même que le concept « d’efficacité ». Juste un dernier exemple : l’Education Nationale. Nous chûtons dans tous les classements (le classement PISA pour les mathématiques, le classement PIRLS pour les compétences en lecture), mais nous allons continuer à recruter de nouveaux professeurs, portant à 1 050 000 le nombre de salariés de l’Education Nationale , alors que le coût d’un élève en France est déjà supérieur de 18 % à celui d’un élève allemand. Cherchez l’erreur…

Les Editos
précédents

« La prochaine décennie (2016-2026) »

publié le Mercredi 20 Avril 2016 » Lire la suite

« Les paradoxes de la finance »

publié le Dimanche 13 Mars 2016 » Lire la suite

« Le modèle suisse »

publié le Lundi 25 Janvier 2016 » Lire la suite

« L'investissement, nerf de la bataille économique »

publié le Lundi 07 Décembre 2015 » Lire la suite

« Où va la Chine? »

publié le Mardi 01 Décembre 2015 » Lire la suite

« LES « EURO PRIVATE PLACEMENTS » (EURO-PP) : UN NOUVEL INSTRUMENT DE FINANCEMENT POUR LES ENTREPRISES MOYENNES »

publié le Vendredi 15 Mai 2015 » Lire la suite

« Qu'attendre de 2015? »

publié le Vendredi 30 Janvier 2015 » Lire la suite

« Méfions-nous des modèles économiques »

publié le Lundi 02 Juin 2014 » Lire la suite

« LA FRANCE ET LE MONDE DE L’ENTREPRISE »

publié le Vendredi 04 Avril 2014 » Lire la suite

« L’EUROPE EN 2014 : CONSOLIDATION OU DISLOCATION »

publié le Mardi 11 Mars 2014 » Lire la suite

« ERRARE HUMANUM EST, PERSEVERARE DIABOLICUM »

publié le Mercredi 16 Octobre 2013 » Lire la suite

« LA FRANCE ET SES DEUX DEFICITS »

publié le Lundi 09 Septembre 2013 » Lire la suite

« Un continent oublié: l'Afrique »

publié le Mardi 21 Mai 2013 » Lire la suite

« L'Europe a-t-elle encore un avenir? »

publié le Vendredi 12 Avril 2013 » Lire la suite

« »

publié le Mardi 19 Mars 2013 » Lire la suite

« L'irrésistible ascension du yuan »

publié le Lundi 18 Février 2013 » Lire la suite

« Sans la croissance rien n'est possible »

publié le Lundi 10 Décembre 2012 » Lire la suite

« Quo Vadis (où allons-nous) ? »

publié le Jeudi 25 Octobre 2012 » Lire la suite

« Le secteur du luxe, un atout pour l'industrie française »

publié le Vendredi 20 Juillet 2012 » Lire la suite

« Trois "contre-vérités" »

publié le Vendredi 22 Juin 2012 » Lire la suite

« La France au lendemain de l'élection présidentielle »

publié le Mercredi 06 Juin 2012 » Lire la suite

« France: Etat des lieux »

publié le Vendredi 13 Avril 2012 » Lire la suite

« Le surendettement: un mal pernicieux »

publié le Vendredi 30 Mars 2012 » Lire la suite

« Croissance et Inégalités »

publié le Jeudi 08 Mars 2012 » Lire la suite

« Un point sur la réforme du système financier mondial »

publié le Vendredi 20 Janvier 2012 » Lire la suite

« Le déclin de l'Occident »

publié le Lundi 19 Décembre 2011 » Lire la suite

« L'urgence du long terme »

publié le Vendredi 02 Décembre 2011 » Lire la suite

« La quadrature du cercle »

publié le Vendredi 04 Novembre 2011 » Lire la suite

« "L'Allemagne paiera" »

publié le Vendredi 21 Octobre 2011 » Lire la suite

« Pourquoi la bourse s’est effondrée ? »

publié le Mercredi 05 Octobre 2011 » Lire la suite