Barnard MAROIS

Bernard Marois
Président d'honneur

Diplômé d'HEC, MBA de l'Université Columbia de New-York et docteur en sciences de gestion. Il est actuellement professeur au Groupe HEC.

Il a publié de nombreux ouvrages et écrit régulièrement dans des revues spécialisées.

Il est spécialiste de finance internationale et consultant auprès de grandes banques.

La création d'entreprise: un enjeu capital pour la France

publié Mercredi 01 Juin 2016

Toutes les études récentes démontrent que les petites et moyennes entreprises créent plus d’emplois que les grandes firmes du CAC 40. Parmi ces PME, une catégorie est particulièrement efficace, c’est celle des « microentreprises» ou « startups ». En 2014, plus de 550 000 entreprises ont été créées en France. Bien sûr, parmi celles-ci, les « auto-entreprises » (donc avec un seul salarié) sont très nombreuses. En 2013, les micro-entreprises (moins de 10 salariés) s’élevaient à plus de 3,3 millions, contre 206 606 PME de plus de 10 salariés, 4 882 entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 243 grandes entreprises. En termes d’effectifs, les micro-entreprises représentent 19 % de l’emploi total en France. On voit donc que leur poids est loin d’être négligeable.
En comparaison avec nos principaux partenaires européens, la France connaît une « natalité » des entreprises plus importante, grâce, en grande partie, au statut très bénéfique « d’auto-entrepreneur » (auquel recourent de nombreux chômeurs voulant retrouver une activité professionnelle). Inversement, le « taux de mortalité » des micro-entreprises est aussi plus élevé en France : 3 entreprises sur 10 créées au premier trimestre 2010 ont disparu trois ans plus tard ! D’ailleurs on a constaté une nouvelle hausse des entrées en procédure collective au premier semestre 2015. Une cause importante de liquidation d’une micro-entreprise réside dans les retards de paiement dont elle souffre de la part de ses clients, en particulier quand ceux-ci appartiennent au secteur public. On peut également citer : la faiblesse de la demande, dans certains secteurs, et les difficultés de financement, comme causes principales de mortalité. Sur ce dernier point, on notera, d’une part, une augmentation de l’écart de taux d’intérêt entre les grandes entreprises et les PME (ce qui veut dire que l’aversion au risque s’accroît) et, d’autre part, que le « private equity » hésite à financer « le capital venture », c’est-à-dire la création d’entreprise, préférant se tourner vers le capital-développement (entreprises de plus de 10 salariés).
Il existe néanmoins de nombreux points positifs dans l’environnement actuel des micro-entreprises. On peut citer, par exemple : le crédit impôt-recherche (C.I.R.), dont peuvent bénéficier les startups innovantes ; l’existence d’incubateurs de la recherche publique et du « concours i-Lab » (ils ont permis la création de plus de 3 400 entreprises, surtout dans les secteurs des NTC et des biotechnologies) ; le dispositif « Jeune Entreprise Innovante ». Mentionnons aussi le pacte Dutreil, mis en place en 2003, qui permet de transmettre une entreprise « familiale », en bénéficiant d’une exonération de 75 % des droits de mutation sur la valeur des titres. Malheureusement, cette loi introduit aussi une distorsion entre les actionnaires familiaux d’une entreprise, dans la mesure où seul le dirigeant sera exonéré du paiement de l’ISF. Ce dysfonctionnement a bien été mis en lumière par le rapport Melleri. Enfin, on soulignera que les micro-entreprises sont à l’origine de nombreuses innovations ; selon Bpifrance, deux tiers des entreprises françaises déposantes de brevets sont des PME.
Quelles sont les nouvelles tendances en matière de création d’entreprises? Notons d’abord l’arrivée d’une nouvelle génération d’entrepreneurs, âgés de 20 à 30 ans, qui est tentée par la prise de risque qu’implique le lancement d’une « startup » : elle plébiscite massivement les PME au détriment des grandes entreprises, considérées comme plus « bureaucratiques ». Ces nouveaux entrepreneurs sont prêts à travailler « en équipe », quitte à ne pas détenir de participation majoritaire, pour atteindre le succès. Par ailleurs, le recours au financement participatif (« crowdfunding ») apparaît comme une nouvelle possibilité offerte au créateur, pour lancer son entreprise. Entre 2014 et 2015, les montants levés ont doublés, passant de 150 millions d’euros à 300 millions, dont 200 millions pour le financement par prêt et 50 millions pour le financement par capitaux propres (equity). Les plateformes se multiplient et la législation se précise, ce qui devrait entraîner l’essor du financement participatif dans les prochaines années.
En fait, le grand défi concerne le développement des startups, dans leur phase de maturité. C’est à ce moment-là que les micro-entreprises sont les plus fragiles et connaissent un taux de mortalité élevé. Certaines sociétés atteignant cette phase de croissance sont obligées pour grandir, de faire appel à des « fonds de private equity », qui vont rentrer au capital des startups, soit en partenaire minoritaire, soit même en actionnaire principal. Ainsi en 2014, 60 fonds sont intervenus dans environ 400 opérations, pour un montant supérieur à 3,4 milliards d’euros. Enfin, un certain nombre de micro-entreprises sont amenées à se faire racheter, soit par un concurrent, soit par une plus grosse entreprise qui souhaite se diversifier, soit (c’est plus rare) par un ancien cadre qui investira dans l’entreprise et prendra aussi en charge le management. Cette opération de cession permet au fondateur de récupérer des fonds (capital initial augmenté de la plus-value) et de redémarrer éventuellement une nouvelle startup ; il y a en effet de plus en plus de « serial entrepreneurs » en France (on pense à Pierre Kosciusko-Morizet, Marc Simoncini etc.).
Pour conclure, on peut souligner le rôle capital joué par la création d’entreprise, comme moyen de dynamisation de l’économie française. Si le lancement d’une micro-entreprise apparaît bénéficier d’un contexte porteur, en matière de règlementations fiscales, sociales et administratives, cela est beaucoup moins vrai lorsque l’entreprise atteint sa période de maturité et se heurte alors aux blocages bien connus de l’économie française (par exemple, le droit du travail). En outre, la conjoncture médiocre que nous connaissons depuis plusieurs années dans notre pays, ne favorise pas vraiment la prise de risque. C’est pourquoi, l’indispensable « croisade » en faveur de l’entrepreneuriat est loin d’être gagnée.

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