Pourquoi est-il temps d'investir dans l'ISR ?
(Easybourse.com) Alors que les produits dits « Investissement socialement responsable » ont été largement déployés vers la clientèle institutionnelle, le contexte réglementaire conduit à s'interroger sur la sensibilité de l'épargnant particulier à investir sur cette typologie de produits. Afin de jauger celle-ci, la société de gestion CPR Asset Management en partenariat avec le cabinet Deloitte ont lancé un baromètre dont les premiers résultats ont été divulgués la mardi 16 avril. L'occasion pour Arnaud Faller, directeur général délégué en charge des investissements, de revenir sur la place qu'occupe la prise en compte des critères « environnementaux, sociaux et de gouvernance » dans la gestion de la maison. EasyBourse vous livre dans cet article les principaux enseignements tirés de cette rencontre.
Quelles finalités visent l’étude menée par Deloitte à la demande de CPR AM avec l’aide d’OpinionWay et de Spoking Polls ?
Cette étude a plusieurs objectifs. Elle vise tout d’abord à mesurer l’appétence des épargnants français aux produits financiers responsables. Elle apporte des éléments de réponse s’agissant de l’identification du profil des épargnants aspirant à un investissement responsable : leur niveau de connaissance financière, leurs préférences en matière d’enveloppe fiscale réceptacle...
Elle cherche également à évaluer les perspectives et les conditions de développement de l’investissement responsable sur le marché des particuliers. En cela elle jauge le comportement des conseillers financiers face aux aspirations des clients retail en matière d’investissement responsable.
Pourquoi avoir décidé de commander une telle étude ?
L’investissement responsable progresse plus rapidement que l’investissement classique.
Le taux de croissance annuel des fonds dans le monde qui utilisent les critères ESG est de 12%, contre 5% pour les fonds classiques.
Selon le Broadridge Financial Solutions Fund Files, la collecte dans les fonds qui intègrent les critères ESG en 2018 est équivalente à celle de 2017, de plus de 85%. Dans le même laps de temps, la collecte pour les fonds classiques a été réduite de deux tiers.
Qui plus est, la France fait figure de pionnière dans le monde de l’investissement responsable à travers différents aspects. Elle est la première place en termes de volume d’émission des green bonds sur les dix dernières années (33,7 Mds d’€) avec le plus gros emprunt souverain vert jamais émis de 7 Mds d’€. En un an, les investissements dans les entreprises d’énergies renouvelables ont été multipliés par 6 dans le pays.
Sur un plan réglementaire, l’Hexagone a œuvré pour bâtir les premières fondations d’un socle solide pour l’ISR. Tout d’abord, avec l’article 173 qui engage les grands institutionnels et les sociétés de gestion ayant des OPC de plus de 500 millions d’euros à publier leur politique de développement durable.
La loi Pacte récemment adoptée fait aussi état d’avancées en la matière. Les considérations ESG sont renforcées dans la gestion des activités des sociétés et dans l’épargne. D’ici 2022, les contrats d’assurance vie devront proposer à leurs souscripteurs au moins une unité de compte répondant à l’investissement socialement responsable (label ISR), une autre destinée à financer la transition énergétique (label TEEC) et encore une autre estampillée finance solidaire (pouvant être fléchée par le label Finansol). Avant cette date, ce sera au moins une des trois.
S’inspirant du cas français, la Commission européenne a décidé de prendre en charge le dynamisme de la finance durable. Un cadre a été proposé en vue de fixer un référentiel européen des actifs considérés comme verts (taxonomie), de renforcer la transparence et le reporting, d’établir de nouveaux indices « bas carbone » et des standards pour les green bonds.
Tout cela est destiné à créer un cadre encore plus porteur pour l'ISR.
Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir s’il faut intégrer l’ESG dans les gestions, mais comment le faire...
Il y a une multiplicité d’approches : l’exclusion, le best in class, le best in universe, l’approche thématique, l’impact investing.
Bien que les considérations ESG aient toujours présentes dans le process de gestion de CPR AM, une véritable accélération s’est matérialisée à partir de 2016. L’approche ESG a été généralisée dans les fonds ouverts en 2018 dans l’ensemble des classes d’actifs.
Cette approche ESG est alors appliquée à toutes les classes d’actifs, pas uniquement à la sphère des actions...
Le crédit est un peu l’angle mort de l’ESG. La classe d’actifs est très dissymétrique en ce moment. Le rendement des obligations des entreprises de bonne qualité (investment grade), toutes maturités confondues est aujourd’hui de 0,8%.
Il y a un réel intérêt financier pour éviter les mauvaises signatures et amoindrir au maximum la probabilité de subir de fortes secousses.
C’est ainsi que la société de gestion a lancé le fonds Smart Beta Credit ESG, un fonds low risque sur le crédit qui tient également compte de la dimension extra financière des émetteurs de titres.
Les critères d’analyse ESG sont complémentaires des critères d’analyse crédit classiques des agences de notation…
Des sociétés notées BBB peuvent avoir une bonne note ESG et des sociétés notées AA peuvent avoir une mauvaise note ESG. La sphère ESG permet la prise en compte d’informations indisponibles auparavant. Le financier et l’extra financier sont deux pans très complémentaires
Une société comme Steinhoff, maison mère de Conforama avait une note investment grade BBB l’année dernière par Moody’s. Or dans l’analyse ESG, des aléas montraient que la gouvernance était problématique au sein de la holding. Résultat : la note a été dégradée et le prix de l’obligation a été divisé par deux.
L’approche ESG est davantage conçue comme un outil de gestion des risques…
Au-delà du devoir fiduciaire de délivrer la meilleure performance financière ajustée au risque, l’approche ESG, par le retrait des sociétés qui ont des mauvaises pratiques, permet d’assumer la responsabilité qui incombe à la société de gestion en termes de maîtrise des risques.
Dans cette optique, une certaine vigilance est témoignée à l’égard des "moyennes" ESG qui peuvent cacher énormément de disparités. Une bonne note environnementale ne compense pas une mauvaise note en termes de gouvernance car tôt ou tard cette mauvaise note débouchera sur un incident qui se révélera couteux en performance financière.
L’approche ESG se veut dynamique. L’idée étant que les mauvais élèves peuvent s’améliorer et que les leaders d’aujourd’hui peuvent perdre leur bon positionnement demain s’ils arrêtent de s'améliorer, la barre des exigences devenant sans cesse plus élevée.
Ainsi une valeur exclue de l’univers d’investissement à un instant t peut redevenir éligible si elle fait des progrès.
Dans certains fonds, le filtre de l’ESG est particulièrement strict. Dans le fonds Invest Climate Action, alors que l’indice MSCI All Country World contient 2700 valeurs, le filtre utilisé amène à un univers de 700 valeurs. C’est dans ce champ restreint que le gérant puise pour construire un portefeuille de 80 à 90 valeurs.
L’approche ESG s’inscrit clairement dans une courbe d’apprentissage.
Si la quantité de données disponibles a augmenté, elle n’est pas encore satisfaisante. Parfois l’information manque à l’appel ou est donnée avec un décalage trop important dans le temps.
La vive concurrence qui existe entre les sociétés dans la course à la transparence est de nature à aider dans ce domaine.
Une standardisation des reportings extra financier par le régulateur est espérée. Le Trésor travaille sur le sujet et a pour ambition d’évoquer ce point lors du sommet du G20 à Biarritz.
En attendant des avancées, les sociétés sont prises à partie pour communiquer sur leurs pratiques qui semblent discutables. La majeure partie d'entre elles sont réceptives et agissent en conséquence.
L’analyse ESG s’accompagne de métriques pour une vue pratico pratique de son apport…
La volonté est affichée de montrer au porteur final l’effort qu’il fait en souscrivant dans le fonds.
Des éléments quantitatifs sont délivrés dans les reportings sur des aspects qui font sens comme l’utilisation de l’eau ou le recyclage des déchets des sociétés.
S’agissant du fonds Climat CPR Invest Climate Action, un travail est mené pour que le portefeuille soit compatible avec une trajectoire de X degrés, moindre que celle proposée par les indices, entre 4 et 5 degrés.
Deux enjeux sont alors poursuivis : faire mieux que l’univers d’investissement et faire mieux année après année.
Imen Hazgui
Publié le 26 Avril 2019